L'opération de déminage se poursuit. Avant le grand oral de Mark Zuckerberg devant les parlementaires du Congrès américain, les 10 et 11 avril, le PDG de Facebook a annoncé plusieurs mesures pour mieux contrôler la publicité politique.
Depuis que 87 millions d'internautes ont été touchés par le scandale Cambridge Analytica, le PDG de Facebook tente d'éteindre l'incendie par tous les moyens, afin de retisser le lien de confiance perdu avec ses utilisateurs et enrayer sa chute boursière, l'action ayant perdu 15% depuis le début de la polémique.
«Les mesures qu'a proposées Mark Zuckerberg ne sont pas les premières», commente Jean-François Huyghe, Directeur de recherche à l'IRIS, spécialisé sur la communication, la cyberstratégie et l'intelligence économique, responsable de l'Observatoire Géostratégique de l'Information.
«Là, il annonce des mesures qui, encore une fois, n'ont rien à voir avec la conservation des données: les annonces politiques ou touchants des sujets idéologiques, qui font controverse, devront être clairement identifiés et on doit savoir qui a payé», explique M. Huyghes.
Facebook, qui va travailler avec des organisations externes pour définir une liste de sujets «de débat», part aussi à la chasse aux faux comptes: les pages tenues par des personnes ayant un grand nombre d'abonnés seront également vérifiées, sans préciser à partir à quand une page est considérée «à succès». Une mesure qui, pour certains community manager ce matin, semblait difficilement applicable:
Okay donc Facebook demande des profils vérifiés aux community managers pour gérer des pages mais refuse les vérifications, c'est super pratique pour continuer à travailler pic.twitter.com/FAjHnU8Un1
— Laura Manach 👸👩👧👦 (@CMconseils) 9 апреля 2018 г.
Entre mea-culpa et promesses, Facebook a aussi annoncé que les internautes victimes de Cambridge Analytica, société spécialisée dans le big data, qui a exploité les données de millions d'utilisateurs à des fins politiques et sans leurs consentement, seraient prévenus par un message sur leur compte, ce lundi, à partir de 10h du matin:
Pour l'instant, nous n'avons pas reçu de message de la part de Facebook. Si vous êtes concerné-e-s, vous pouvez nous prévenir et/ou partager une capture:) #CambridgeAnalyticshttps://t.co/jEtktZEN2K
— Numerama (@Numerama) 9 апреля 2018 г.
Facebook a même tenté de tuer une nouvelle polémique dans l'œuf, indiquant dimanche avoir suspendu une autre entreprise d'analyse de données, CubeYou, suspectée d'avoir utilisé à des fins commerciales les données d'usagers, récupérées via des applications de tests psychologiques présentés comme étant à visée purement scientifique. Quoiqu'il arrive, le réseau se heurte à son propre modèle économique, estime Jean-Brnard Huyghe:
«Facebook est dans une contradiction foncière: comme c'est gratuit, la marchandise, c'est nous. Il ne peut que vivre que de l'exploitation des connaissances extraordinairement fines qu'il a de nous, et de les commercialiser», estime le chercheur, soulignant que le réseau vit aussi «de la confiance des gens».
«Il est dans une crise de croissance, ou il est au sommet de son pouvoir. On sent que la machine se disloque par les initiatives désordonnées de Facebook, qui est quand même dominé par une rentabilité commerciale», poursuit l'expert.
Campagnes électorales et médias digitaux représentent un business non négligeable: les investissements devraient atteindre 600 millions de dollars cette année, contre 250 millions en 2014, selon les estimations de Kantar Media-CMAG, citées par Bloomberg (AFP). Facebook «risque de décourager les annonceurs», mais pas d'enrayer véritablement leur influence:
«Si le procédé est efficace, je ne m'inquiète pas: les annonceurs politiques, les gourous du marketing politique, trouveront des procédés pour passer par des associations bidons, des ONG, des groupes culturels ou citoyens, et qui feront les même annonces», estime l'expert:
«Je crois que son problème est moins dans la perte sèche des annonceurs politiques, que dans une crise générale de ce système gigantesque et ingérable et dans la concurrence d'autres réseaux sociaux».
La solution serait-elle de payer pour ne pas être pillé? Dans une interview dans l'émission Today Show sur le réseau NBC, Sheryl Sandberg, numéro 2 de Facebook, a expliqué que les données étaient un élément vital pour le réseau social, et que si les utilisateurs voulaient se débarrasser des publicités ciblées, il faudrait que cette option devienne payante.