Réforme des institutions: le mirage de démocratie proposé par Macron

Le gouvernement se lance dans sa grande réforme des institutions: instauration d’une dose proportionnelle fixée à 15%, réduction de 30% du nombre de parlementaires et interdiction du cumul des mandats dans le temps. Ces mesures, déjà contestées, vont-elle véritablement améliorer la diversité politique au Parlement?
Sputnik

«Il aurait mieux valu penser autrement et réfléchir à la crise de la démocratie», s'insurge l'analyste en communication et stratégie politique Frédéric Saint Clair.

Édouard Philippe a présenté les grandes lignes de la future réforme des institutions prévue pour 2019. Au programme: l'élection de 15% de députés à la proportionnelle aux législatives de 2022; une réduction de 30% du nombre de parlementaires (244 sénateurs et 404 députés contre 348 et 577 actuellement) et l'interdiction du cumul des mandants dans le temps (limite à 3 mandats identiques pour les élus, sauf les maires de communes de moins de 9.000 habitants). Pour le Premier ministre, «le but n'est pas de revenir à la IVe République, ni passer à la VIe, mais de revenir aux sources de la Vème République».

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Malgré cette déclaration d'intention, certaines de ces annonces suscitent déjà des réactions très négatives comme celle de Gérard Larcher dans les colonnes du Figaro. Le président du Sénat (Les Républicains) s'est dit être en «total désaccord» au sujet de la réduction du nombre de parlementaires, qui ne permettrait pas une «juste représentation des territoires». Frédéric Saint Clair, ancien conseiller de Dominique de Villepin quand il était Premier ministre, pense que «les quelques mesures présentées ne permettront pas de résorber cette crise [de la démocratie, ndlr], qui est réellement profonde.»

«Prenons la réduction du nombre de parlementaires de 30% […] Le fait que les Français ne se sentent pas bien représentés par 560 députés ne conduit pas naturellement à croire qu'il le seraient mieux par 404.»

L'un des points qui soulèvent la polémique est l'instauration d'une dose de proportionnelle. Or, si cette mesure est «censée faire une place aux opinions et à cette diversité idéologique qui n'est pas représentée, parce que le scrutin majoritaire ne fait de place qu'au courant majoritaire», le résultat pourrait être tout autre, car «il reste encore à déterminer les méthodes de calcul d'obtention des sièges qui peuvent d'ailleurs favoriser plutôt les grands partis», détaille l'auteur de «La refondation de la droite» (Éd. Salvatore).

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François Bayrou, président du Modem, a milité de toutes ses forces pour que le taux soit fixé aux alentours de 25% et n'a pas obtenu satisfaction. Quelles seront les conséquences de ce camouflet pour la majorité présidentielle? S'il est trop tôt pour le dire, la réforme n'étant pas encore votée, Frédéric Saint Clair estime qu'avec ce taux relativement faible de 15%, le gouvernement a plutôt semblé «chercher une stabilité politique» générale que la satisfaction de son allié.

«Il ne souhaite pas, manifestement, que les prochaines échéances législatives puissent conduire à des obligations d'alliance. On comprend bien la nécessité pour un exécutif de souhaiter conserver une majorité à l'Assemblée pour voter ses textes.»

Certains politiques sont beaucoup plus virulents à l'égard de cette «aumône à la démocratie»:

​ou d'autres, qui la qualifient d'«amuse-gueule»: 

​Des reproches compréhensibles du point de vue des partis à la marge, car ils ne disposeront toujours que de très peu d'espace au sein de la représentation nationale. Si l'on prend l'exemple du FN, «cet électorat qui est massif aujourd'hui- on se rappelle le score de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle: 10,6 millions d'électeurs- ce n'est pas d'avoir 3 députés Front national supplémentaires qui permettront de les satisfaire», estime le politologue, qui se montre pessimiste au sujet de cette mesure:

«Ils [membres du gouvernement, ndlr] vont se casser les dents sur ce choix qui ne changera finalement pas grand-chose à l'aspect du pays.»

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Pis encore, pour Frédéric Saint Clair, l'exécutif a succombé aux sirènes de la démagogie et peut accentuer l'impression de déconnexion qu'ont les citoyens avec leurs élus. «On sent bien qu'il y a un certain nombre de mesures qui étaient plutôt dans l'air du temps, plutôt populistes, et reprises assez largement par le candidat Fillon comme par la gauche concernant la réduction du nombre de parlementaires. On estime qu'il y en a trop en France et que cela coûte trop cher.»

«On contribue avec ce genre de mesure à éloigner encore les élites de la population et à faire croire que, finalement, ils ne travaillent pas une fois élus. On entend déjà des parlementaires se plaindre de la difficulté d'être connectés avec leur circonscription.»

Et de conclure,

«Ils craignent que cette réduction de 30% ne les déconnectent encore plus et qu'ils deviennent réellement des parlementaires hors-sol.»

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