L'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia a été discuté jeudi par le Conseil de sécurité de l'Onu à l'initiative de Moscou. Ces échanges ont eu lieu au lendemain de la réunion de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) lors de laquelle la Russie avait présenté un projet élaboré conjointement avec l'Iran et la Chine censé contribuer à l'enquête sur l'incident survenu à Salisbury qui n'a pas toutefois obtenu le nombre de votes nécessaires pour être adopté.
Alexandre Kramarenko, ancien conseiller de l'ambassade russe à Londres, interrogé par Sputnik lors d'une conférence consacrée aux relations russo-britanniques qui a eu lieu jeudi à Moscou, a fait part de son opinion concernant de possibles mesures qui peuvent aider la Russie et le Royaume-Uni à sortir de l'impasse où ils se trouvent actuellement.
Présenter les preuves
Moscou a à plusieurs reprises affirmé que toutes les accusations britanniques à l'adresse de la Russie étaient infondées puisque Londres n'avait avancé aucune preuve de son implication dans cette affaire.
«Notre position de base est que, tout d'abord, il faut présenter les preuves et le faire de manière publique», a indiqué M. Kramarenko.
La seule preuve évoquée pour le moment par le Foreign Office dans son tweet concernant les données du laboratoire de Porton Down qui avait, selon la diplomatie britannique, prouvé que les Skripal avaient été empoisonnés par l'agent A-234 produit en Russie, s'est révélée fausse. Par la suite, le ministère britannique des Affaires étrangères a supprimé cette publication, en indiquant que ses propos avaient été mal interprétés.
Le 3 avril, le chef du laboratoire de Porton Down a déclaré que les chercheurs n'avaient pas été en mesure d'établir le pays d'où provenait l'agent innervant utilisé dans la tentative d'assassinat de l'ex-agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia survenu sur le sol des Royaume-Uni.
Respecter une procédure équitable
«Pourquoi ne respectent-ils pas les règles et les procédures dans le cadre de ce qui s'appelle dans la pratique judiciaire britannique "due process" [la procédure équitable, ndlr]… La charrue est donc avant les bœufs: le verdict d'abord et l'enquête ensuite. Les accusations d'abord et puis les déclarations selon lesquelles la partie lésée n'est pas obligée de collaborer avec l'accusé présumé», a déploré M. Kramarenko.
Le diplomate russe a également évoqué l'affaire d'Alexandre Litvinenko empoisonné au Royaume-Uni en 2006. Dans ce cas-là, le Comité d'enquête de la Fédération de Russie a été reconnu comme partie prenante, ce qui obligeait les autorités britanniques à partager avec lui les résultats de l'enquête.
Auparavant, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait déclaré que la Russie accepterait uniquement les conclusions de l'enquête sur l'affaire Skripal qui seraient tirées avec sa participation.
Mener une enquête indépendante
La proposition faite le 4 avril par la Russie à l'OIAC visait, selon Alexandre Choulguine, représentant permanent de la Russie à cette organisation internationale, à «lancer le processus d'une enquête commune pour éclaircir toutes les questions liées aux accusations du Royaume-Uni à l'encontre de la Russie». En outre, la proposition prévoyait de confier un rôle central au directeur général de l'organisation, Ahmet Üzümcü, afin d'«entreprendre les démarches nécessaires à une telle interaction».
«Nous serions satisfaits de […] toute enquête indépendante menée sur la base des preuves auxquelles la partie britannique comme la russe auront accès », a expliqué Alexandre Kramarenko à Sputnik.
«Nous pourrions confier cette enquête aux Allemands puisqu'ils ont intérêt à ce que les tensions qui règnent dans la politique européenne diminuent […] Le plus important est que cela soit une enquête indépendante et internationale et pas unilatérale comme celle des Britanniques », a-t-il précisé.
Andreï Kortounov, directeur général du Conseil russe pour les affaires internationales, un autre participant de la conférence de jeudi, a évoqué l'assistance technique de la France au Royaume-Uni, en remettant en question l'impartialité de Paris dans cette affaire.
«Dans quelle mesure la France peut-elle être considérée comme une partie prenante impartiale? La question reste ouverte», a déclaré M. Kortounov.
Le 31 mars, Moscou a formulé une liste de 14 questions concernant l'affaire Skripal dont certaines visent à savoir pourquoi les autorités britanniques ont décidé d'associer la France à l'enquête. 10 autres questions ont été adressées à la France elle-même. Pourtant, Paris n'a pas souhaité répondre à ces questions, les qualifiant d'«infondées».