Les années passent, la rhétorique russophobe atteint désormais son summum au niveau des élites de Washington, mais aussi de tous leurs affidés —la fameuse affaire Skripal n'en est qu'un épisode supplémentaire. Les satellites étasuniens ont beau reprendre en chœur les chants antirusses, il suffit que leur portefeuille soit menacé pour qu'une vive inquiétude s'installe…
Et malgré toutes les belles promesses faites à l'Ukraine par Washington et Bruxelles sur leur avenir commun «radieux», ces derniers ne souhaitent vraisemblablement guère en prendre la responsabilité économique. Alors que la diminution significative des relations à tous les niveaux entre Kiev et Moscou a considérablement désavantagé en termes économiques la première, mais pas la deuxième, le fait de devoir sur le court terme perdre près de 3 milliards de dollars annuels supplémentaires ou l'équivalent de 3% du PIB ukrainien (selon l'aveu de l'ambassadrice étasunienne en poste à Kiev) n'arrange en rien les choses.
En passant, le montant de ces recettes annuelles que l'Ukraine reçoit grâce au transit du gaz russe est plus ou moins équivalent au budget annuel ukrainien de l'éducation et dépasse de 1,5 fois les dépenses destinées à la santé, au sport et à la protection de l'environnement. Ajoutez à cela les millions de crédits qui pèsent sur le budget ukrainien et que Kiev ne peut simplement pas rembourser, et vous comprendrez les peu radieuses perspectives du régime de Kiev.
Pour sa part, le projet Nord Stream 2, qui a pour objectif de doubler d'ici fin 2019 les capacités de son «grand frère» Nord Stream 1, qui passe sur le fond de la mer Baltique, avance bien. Berlin vient de donner son feu vert pour la construction du pipeline sur les 31 km appartenant à la zone économique allemande. Et malgré une pression étasunienne sans précédent en vue de faire retarder ce projet à tout prix, avec le soutien de ses «meilleurs» satellites européens —en l'espèce, la Pologne et des pays baltes- le fait est que le pragmatisme économique allemand semble de plus en plus prendre le dessus. Évidemment, c'est tout sauf l'amour pour la Russie qui motive Berlin, mais bel et bien l'absence d'alternative digne de ce nom en termes du rapport prix/logistique/sécurité de l'approvisionnement gazier. Sachant que l'Allemagne est elle-même un très grand consommateur de gaz, et malgré tout «l'amour» que Berlin dit porter à Kiev, notamment en termes de «solidarité» antirusse, il est évident que sa priorité est d'assurer ses habitants en chauffage à un tarif raisonnable plutôt que de penser aux gains, ou plutôt aux pertes économiques ukrainiennes. C'est connu, les Allemands savent très bien compter.
Bien sûr, Washington comme Bruxelles auraient souhaité maintenir aussi longtemps que possible cette relation de gagnant/perdant: faire miroiter le rêve occidental à Kiev tout en poursuivant leurs avancées géopolitiques et en maintenant l'Ukraine ne serait-ce qu'un minimum à flot avec l'argent de la «méchante» Russie.
Pour finir, une simple question logique: comment se fait-il que le pays qui à la chute de l'URSS était la république ex-soviétique la plus développée économiquement —oui, oui, il s'agit bel et bien de l'Ukraine- ait pu si rapidement se retrouver dans un tel marasme économique? Et le comble, c'est que c'est depuis l'intégration «historique», annoncée en grande pompe, avec l'Occident et le divorce avec la Russie, que la situation économique et sociale est la plus terrible, mettant l'Ukraine au niveau de certains des pays les plus pauvres du monde. À méditer.
Peu étonnant d'ailleurs que le rêve à l'occidentale impressionne de moins en moins de peuples du monde, y compris leur jeunesse. Le temps des illusions appartient au passé. Pour le reste, il est aujourd'hui évident qu'il faut toujours réfléchir deux à trois fois avant de cracher dans sa soupe.
Quant aux technocrates occidentaux, vos ambitions géopolitiques, vous les paierez de votre propre poche.
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