15 ans de guerre en Irak: «jamais les Américains ne se sont excusés»

Le 20 mars dernier, c’était le 15e anniversaire du lancement de l’invasion américaine de l’Irak. Retour sur cette opération dont les conséquences géopolitiques se ressentent toujours actuellement, avec Pierre Conesa, spécialiste des questions stratégiques, et Ali Dolamari, représentant à Paris du gouvernement régional du Kurdistan irakien
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Désarmer l'Irak, libérer son peuple et protéger le monde d'un grave danger: tels étaient les objectifs énoncés par George Bush lors de son discours du 20 mars 2003 pour justifier le lancement de l'opération «Liberté en Irak». Tant par les mensonges (les armes de destruction massive, la 3e armée du monde…) permettant de légitimer l'invasion que par l'ampleur de la déstabilisation du Moyen-Orient tout entier, menant à la création de Daech* quelques années plus tard, le fiasco de cette opération reste toujours gravé dans les esprits quinze ans plus tard.

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Quels objectifs poursuivait à l'époque la première puissance mondiale? Peut-on imputer cette guerre aux fameux néoconservateurs? C'est l'avis de Pierre Conesa, ancien fonctionnaire du Ministère de la Défense et spécialiste des questions stratégiques internationales, qui évoque, dans «le parti républicain et même d'ailleurs des think tanks proches des Démocrates», le concept de «L'initiative pour le Grand Moyen-Orient», qui consiste à «remodeler complètement le Moyen-Orient […] avec une politique où on aurait redessiné les frontières. On imaginait ça comme si c'était un jeu d'enfant ou la conquête du monde». Pierre Conesa souligne ainsi l'hypocrisie de la diplomatie américaine vis-à-vis de l'Irak: «dorénavant, Saddam Hussein était un tyran qu'il fallait absolument renverser alors qu'ils avaient appuyé Saddam Hussein pendant la guerre contre l'Iran».

«L’occupation américaine a tourné en une vraie catastrophe pour l’Irak»
Livrant un témoignage extrêmement intéressant sur l'avis de la population irakienne vis-à-vis de cette intervention, Ali Dolamari, représentant à Paris du gouvernement régional du Kurdistan irakien, considère qu'une grande partie des Irakiens en 2003 était favorable aux Américains, mais que l'absence de préparation de la période de l'après-Saddam est la cause des soucis actuels du pays: «Absolument, on y était favorables. L'Irak avait vraiment besoin de la libération d'un dictateur qui a été en place pendant 35 ans. C'est une bonne décision pour les Kurdes, mais aussi pour toute la population irakienne. Malheureusement, on n'était pas d'accord sur l'après-Saddam, il faut avoir un programme, malheureusement, il n'y avait pas de programme de l'après-Saddam […] On pensait qu'après Saddam, on pourrait créer un état démocratique fédéral qui respecte toutes les composantes irakiennes, mais malheureusement, ce n'est pas le cas […] Aujourd'hui, l'Irak est divisé, l'Irak est déchiré, l'Irak a beaucoup de problèmes.»

Vu les motifs invoqués de l'intervention et son bilan humain désastreux, les principaux dirigeants de la coalition occidentale en Irak devraient-ils être traduits en justice? Pour Ali Dolamari, il est clair que non, car «ils ne sont pas responsables directs de l'opération». Pierre Conesa est d'un avis contraire et s'insurge des mensonges proférés aux Nations unies. Les États-Unis ont «déclenché une guerre sur un mensonge dans l'Assemblée générale de l'ONU en produisant des fausses pièces, des fausses preuves». Le spécialiste des questions stratégiques internationales regrette ainsi que les Américains n'aient jamais présenté d'excuses: «aux États-Unis, il ne s'est rien passé. Il y a eu au contraire contre la France, une campagne de French Bashing qui était extraordinaire de violence. Jamais les Américains ne se sont excusés».

*Daech est une organisation terroriste interdite en Russie

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