Le (mas) sacre du Printemps. En ce mardi 20 mars, date officielle de la saison annonçant le bourgeonnement et le retour des animaux migrateurs, la publication d'un rapport sur la disparition des oiseaux dans les campagnes françaises est particulièrement inquiétante.
«Quand les campagnes deviennent silencieuses, quand les hirondelles ne reviennent plus au printemps, c'est quelque chose qui impacte les gens», alerte Jérémy Dupuy, chargé de mission, enquête et atlas sur les oiseaux à la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO).
«On peut parler de catastrophe écologique», poursuit le militant. «L'érosion de la biodiversité n'est pas nouvelle, il y a énormément d'espèces qui sont menacées d'extinction à l'échelle de la Terre, et aussi à l'échelle de la France.»
C'est dans les campagnes, et encore plus dans le milieu agricole, que les excès de l'Homme sur l'environnement sont flagrants: «le déclin de ces oiseaux a débuté il y a plusieurs décennies, mais s'accélère ces quinze dernières années», note Jérémy Dupuy, dû à une intensification des pratiques agricoles, avec la fin des jachères imposées par l'Union européenne, l'arrivée des néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d'abeilles, ou encore le fait de «moissonner de plus en plus tôt».
«Les espèces n'ont pas le temps d'adapter leur mode de vie, elles ne peuvent pas suivre le rythme», se désole le chargé de mission à la LPO.
Pourtant, elles sont «des auxiliaires à l'agriculture», et «il est important de les préserver». Les oiseaux sont, en quelque sorte, le reflet de notre mode de consommation:
«Dans les milieux agricoles, les oiseaux sont situés au sommet de la chaîne trophique [chaîne alimentaire, ndlr]. Et quand ces espèces sont en mauvaise santé, elles témoignent de la mauvaise santé du système en question.»
Pourtant, toujours selon le rapport du CNRS, «deux études récentes ont révélé que l'Allemagne et l'Europe auraient perdu 80% d'insectes volants et 421 millions d'oiseaux en 30 ans». C'est donc tout le modèle agricole qu'il faudrait revoir:
«Dans les années qui arrivent, modifier nos pratiques agricoles, qu'elles soient plus respectueuses de l'environnement, plus respectueuses des espèces de campagnes», préconise Jérémy Dupuy, car «Quand on fait disparaître les insectes, quand on crée des zones dépourvues de biodiversité, ces zones sont perdues.»
En France, la «biodiversité de proximité» est en péril. Mais dans le reste du monde, l'avenir écologique n'est guère plus réjouissant: selon une étude coproduite par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et publiée le 14 mars dernier, «La biodiversité mondiale va souffrir terriblement au cours de ce siècle, à moins que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir», pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de +2 °C. Sinon, le dérèglement climatique pourrait menacer «entre un quart et la moitié des espèces d'ici 2080 dans 33 régions du monde parmi les plus riches en biodiversité».
Il ne serait dès lors pas exagéré de parler de Sixième extinction, pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Elizabeth Kolbert, prix Pulitzer pour cette enquête sur les ravages de l'Homme sur le vivant.