«Rassemblement national», la vraie-fausse affaire du nouveau nom du FN

Marine Le Pen pourra-t-elle utiliser l’appellation «rassemblement national» pour rebaptiser le Front national? Pas sûr. La perspective d’un «imbroglio juridique» fait couler beaucoup d’encre depuis qu’un obscur Biterrois en revendique la propriété. Cependant, «l’affaire» ressemble plutôt à un coup de com’ sur le dos du parti frontiste. Analyse.
Sputnik

Mais «à qui appartient le nom "Rassemblement national"?» La question est sur toutes les lèvres depuis qu'un certain Igor Kurek en revendique la propriété, en tant que Président d'une formation politique éponyme. «Front national: la marque "Rassemblement national", sitôt dévoilée, déjà attaquée» sur LCI, «Un lifting, une insulte raciste, une embrouille juridique: bienvenue au Front national» sur l'Obs, «Changement de nom du Front national: politique panique?» sur la RTBF… depuis ce matin, la presse francophone fait ses choux gras de ce qui viendrait ternir le succès du XVIe congrès du Front national à Lille.

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Un congrès devant dévoiler la nouvelle stratégie, la nouvelle ligne du parti et dont l'un des points d'orgue aura incontestablement été la présentation du possible nouveau nom du parti, créé par son père en 1972, par Marine Le Pen.

«Plus qu'un projet, un cri de ralliement» lançait la présidente du FN à ses militants en liesse. Un nouveau nom qui devait «lever le frein psychologique» chez les électeurs «même de bonne foi» sans pour autant renier l'histoire «épique et glorieuse» du parti. Un nouveau nom, suggéré, qui doit prochainement être soumis à l'approbation des militants.

Alors que Marine Le Pen goûte à la standing ovation que lui réserve l'assemblée, Igor Kurek, président du Rassemblement national s'attelle à la rédaction d'un communiqué —dans un ton peu diplomatique- qu'il publiera quelques heures plus tard sur les réseaux sociaux. Assurant que le «RN ne sera JAMAIS le nouveau FN», il se moque de l'«amateurisme» de Marine Le Pen «première opposante autoproclamée» ainsi que de son parti, ne «prenant pas le temps et la peine […] de voir ce qui peut se faire et ce qui existe déjà.»

​Une pique qu'Igor Kurek réitère ce lundi 12 mars, au micro de Patrick Cohen dans la matinale d'Europe1, se disant prêt à porter l'affaire devant les tribunaux. «Ça ne se passera pas comme ça», s'emporte M. Kurek. Dans la foulée, les médias s'emballent… Pourtant, comme le souligne Louis Hausalter, journaliste politique à Marianne.

​Car voilà, si la marque «Rassemblement national» a en effet été déposée en 2013 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), non seulement ce dépôt n'a pas été effectué par Igor Kurek- mais par Frédérick Bigrat, le Président du «Rassemblement national», qui dans un communiqué dont l'hebdomadaire L'Incorrect se fait l'écho, explique que les droits «les droits de la marque Rassemblement national ont été cédés par acte sous seing privé le 22 février 2018» à Maître Frédéric-Pierre Vos, d'après les informations de L'Incorrect. De plus, Frédérick Bigrat précise que l'association dont il fut le président est en cours de dissolution.

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Comme tient à le préciser le président de l'association en instance dissolution, soit celui qui fut le détenteur légal de l'appellation Rassemblement national, «les propos tenus par monsieur Igor Kurek, sur la base d'un communiqué rédigé par lui seul, sont parfaitement inexacts», soulignant une «démarche purement personnelle», ce dernier n'étant pas «mandaté par le bureau de l'association pour opérer quelque communiqué que ce soit.»

Un autre élément qui vient troubler l'argumentaire déployé par Igor Kurek dans ce communiqué où il interpellait «Marine» sur le fait qu'elle ne «pouvait nier» l'existence du mouvement «quand celui-ci s'est retrouvé depuis 2014 face à vos candidats à plusieurs reprises», en évoquant les noms de Jean-Paul Del Grande et de Gilles Renoux, respectivement candidats aux élections municipales de Vitrolles en 2014 et aux Cantonales de Nice en 2015. Comme le souligne Christelle Rebière, sur RTL, article de Nice matin à l'appui «c'est faux, le candidat dont il parle [à Nice] se présentait sous l'étiquette Union pour un Rassemblement Patriotique».

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Si l'affaire semble plus de tenir d'un beau coup de com' pour ce cadre du BTP que de «l'imbroglio politique», l'hypothétique bataille juridique continue d'alimenter les gazettes. À vrai dire, imbroglio politique ou pas, les médias ne semblent pas près de lâcher le parti de Marine Le Pen, L'Obs voyant par exemple dans le «Rassemblement national» une réminiscence du «Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, un parti collaborationniste durant la Seconde Guerre mondiale. 

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