«Vous êtes tous des pervers»: des artistes russes en exil frustrés par l'Europe

Le sulfureux groupe Voïna, réputé pour ses performances qui ont bravé la morale commune ainsi que le Code pénal russe, présage «une fin lamentable» aux Européens qui n'ont pas répondu à leurs attentes.
Sputnik

Incendie de la Banque de France: l'artiste russe Pavlenski écroué
Les vrais génies n'ont pas d'ami: après avoir décliné de nombreuses offres de logement et de travail et refusé de prendre part aux expositions en Europe, Oleg Vorotnikov aka Vor (Voleur) et Natalia Sokol aka Koza (Chèvre), fondateurs du groupe Voïna (la Guerre), se sont retrouvés en fin de compte sur un continent hostile. Après une longue bataille artistique contre le pouvoir en Russie qui s'est soldée par l'émigration, Vor et Koza se sentent mal à l'aise parmi les Européens.

Les actions les plus célèbres de Voïna impliquaient notamment une immense copulation de groupe en public dans un musée de Moscou pour protester contre l'élection de Dmitri Medvedev au poste présidentiel, ainsi que le dessin d'un pénis géant sur le tablier d'un pont basculant en face du siège du FSB à Saint-Pétersbourg.

Un sénateur russe raille Pavlenski interné en France: «Ce n’est pas la Russie»
Les membres de Voïna ont également mis en scène la pendaison de mannequins représentant homosexuels, juifs et immigrés d'Asie centrale dans un Auchan de Moscou en guise de «cadeau» au maire de l'époque, Iouri Loujkov. En 2010, Oleg Vorotnikov et Leonid Nikolaïev ont renversé plusieurs véhicules de police à Saint-Pétersbourg, ce qui leur a valu d'être inculpés de hooliganisme.

En 2012, M.Vorotnikov avec sa compagne Natalia Sokol ont quitté la Russie, poussés notamment par le désir de rendre leurs actions plus radicales sur le sol européen. Or, il s'est avéré que même leurs sympathisants européens étaient peu ravis par le train de vie désordonné professé par Vor et Koza, qui ont d'ailleurs trois enfants. Adeptes d'une lutte impitoyable contre le capitalisme, ils volent tout ce qu'ils veulent dans les grands magasins de façon quotidienne. Selon M.Vorotnikov, chaque fois, sa famille vole des produits «pour 400 euros environ». Des photos de produits volés sont régulièrement publiées sur leurs comptes Facebook et Instagram.

 

Ce modus operandi des artistes russes a eu pour résultat leur séparation avec les anarchistes vénitiens qui les accueillaient dans leur squat, accompagnée d'une sanglante bagarre sur un quai de la cité des Doges. Ayant quitté l'Italie, Vor et Koza avec leurs enfants se sont installés en Suisse pour finir de nouveau par être expulsés de leur logement par les anarchistes locaux dans un incident violent qui a entraîné l'ouverture d'une enquête pénale.

Ukraine: des artistes russes menacent la sécurité nationale du pays
Après un court séjour chez un néonazi à Nuremberg, le couple a déménagé en République tchèque. Or, en mars 2017, les autorités tchèques ont émis un mandat d'arrêt à l'encontre d'Oleg Vorotnikov sur demande de la partie russe, qui demandait son extradition.

M.Vorotnikov se déclare somme toute déçu par l'Europe. «Les Tchèques sont des imbéciles complets, des nazis villageois […]. L'Italie est un beau pays, mais les gens là sont des idiots. Ils gambadent sur les ruines comme des singes […]. Les Allemands ne sont pas les pires, mais si tu te retrouves dans leur système et si tu commets une erreur, tu seras dans la merde», constate l'artiste.

Après la mystérieuse disparition de Vor en février dernier, sa compagne s'est adressée à la déléguée russe aux droits des enfants Anna Kouznetsova, lui demandant de l'aider à revenir en Russie avec ses trois petits. Or, début mars, M.Vorotnikov est réapparu dans le cadre du festival Elevate Risk & Courage à Graz, en Autriche, pour raconter l'histoire d'une évasion d'un «camp de concentration souterrain» pour les illégaux situé en Suisse.

«Je ris lorsque j'entends vos dissertations à propos des droits de l'homme, toutes ces conneries que vous avez faites ici en Europe. Vous vous rendez compte désormais que vous ne vous entendrez jamais avec les Russes, car vous ne comprenez rien, vous êtes des dégénérés, vous êtes tous des pervers, et une fin lamentable vous attend», a lancé M.Vorotnikov devant un public silencieux, tout en se disant prêt à répondre à des questions supplémentaires.

Discuter