Réforme pénitentiaire: «une politique pénale n’est pas faite pour désengorger les prisons»

Emmanuel Macron a présenté sa vaste réforme pénitentiaire. Les objectifs? Régler la question de la surpopulation carcérale et redonner du sens à la peine. Le Président de la République va-t-il effectivement révolutionner ce domaine ou ces mesures sont-elles de l’ordre de la déclaration d’intention? Analyse du criminologue Xavier Raufer.
Sputnik

«La fonction pénitentiaire a plusieurs objectifs et cela fait depuis au moins 30 ans que par négligence, les gens qui nous gouvernent n'ont pas émis un projet précis sur l'objectif de la sanction.»

Le criminologue Xavier Raufer réagit aux annonces d'Emmanuel Macron concernant la réforme pénitentiaire. Le Président de République en présentait les principales mesures devant l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) à Agen. Elles sont notamment destinées à régler la question de la surpopulation carcérale.

​Au programme: fin de l'«automaticité» de l'aménagement des peines de moins d'un an, fin de l'aménagement des peines supérieures à un an, les peines de un à six mois pourront s'exécuter hors prison, la création de 7.000 places de prisons supplémentaires (contre 15.000 annoncées dans les promesses de campagne) ou encore la création de 1.500 postes de conseillers de réinsertion.

​Pour le chef de l'État, ce plan de refondation vise à redonner du sens à la peine. «La peine, elle doit protéger le reste de la société, mais quand je regarde les réalités de l'exécution et de la récidive, cette fonction n'est pas pleinement assurée. Elle a aussi pour fonction d'éduquer, pour permettre à chacun de retrouver une place dans la société. J'ai la conviction que nous ne sommes pas arrivés à cette entreprise.»

​Malgré cette déclaration d'intention, le gouvernement peut-il réellement régler la question de la justice en France? Pour Xavier Raufer, bien qu'il n'y ait «rien de critiquable dans les propos du Président […] on n'a pas de ligne directrice claire quant à l'avenir de l'incarcération.» En effet, «à l'heure actuelle, il y a des gens qui sont en prison et qui n'ont rien à y faire.»

Le criminologue rappelle néanmoins que «tous les prisonniers ne sont pas égaux.» Et pour cause, entre «quelqu'un qui a escroqué une vieille dame» et «une catégorie de malfaiteurs que l'on appelle les prédateurs violents»,

«Pour ces gens-là, il n'y a pas de petites peines ou longues peines. Même si on les met pour un mois en prison, eh bien c'est un mois durant lequel la population, du point de vue de cet individu-là, n'est pas menacée. On ne peut donc pas faire comme si tous les prisonniers étaient logés à la même enseigne.»

En outre, comme l'explique Xavier Raufer, «une politique pénale n'est pas faite pour désengorger les prisons ou à faire plaisir à untel ou untel. Dans une société qui est fondée sur l'État de droit, naturellement, la justice est la clé de voûte de la société. La justice a un certain nombre de fonctions, certaines qui relèvent plutôt de la carotte, d'autres plutôt du bâton. Et à l'intérieur de la sanction, il y a l'utilité de la prison. Au fond des choses, c'est un problème de philosophie du droit.»

«La justice, ce n'est pas là pour faire joli. C'est destiné à faire en sorte que, dans un pays, les gens se tiennent convenablement et évitent d'accomplir des exactions sans cesse.»

Pour redonner du sens à la peine comme le voudrait le Président de la République, «il faut avant tout émettre un projet clair sur l'objectif de la sanction. La sanction peut punir quelqu'un pour des raisons morales […] Elle peut être éducative […] ou être une protection de la société, car il y a des individus qui sont des fauves. Plus longtemps ils sont en prison, bien entendu dans le respect de l'état de droit, et moins souvent ils sont dehors pour agresser, pour blesser ou tuer des gens» détaille le criminologue.

​Si certains dénoncent le double discours du chef de l'État, entre ses promesses de campagnes et les actes dans l'exercice de ses fonctions, notamment sur le nombre de places supplémentaires de prisons, pour Xavier Raufer, tout cela reste secondaire.

«Quand on n'a pas une politique pénale pertinente, en même temps bien entendu qu'une politique de réinsertion et de prévention, les choses vont mal, il y a beaucoup plus de malfaiteurs, ils se sentent en sécurité avec un sentiment d'impunité.»

Et de conclure,

«C'est contre cela qu'il faut lutter, qu'il y ait 7.000 places de prison en plus ou en moins, je dirai que tout le monde s'en moque.»

Discuter