Minsk 2 était une évolution du premier, une instruction technique sur les étapes de mise en œuvre des accords déjà fixés dans Minsk 1. Le Protocole de Minsk était déclaratif et donnait une marge de manœuvre suffisante pour l'interprétation des engagements des parties alors que Minsk 2 (Accords de Minsk) était concret et fixait non seulement les engagements de chaque partie, mais également les délais et l'ordre dans lequel ils devaient être remplis.
Les illusions de Kiev se sont dissipées, mais les autorités ukrainiennes n'ont pas changé de position pour autant. Au moment de la signature des accords, il était déjà évident que l'Ukraine n'avait pas l'intention de les respecter. Les politiciens ukrainiens ne cachaient pas qu'ils considéraient cet accord uniquement comme un délai permettant de stopper l'offensive des insurgés, de stabiliser la ligne du front, d'empêcher l'effondrement de l'armée et de faire passer le conflit sur le plan politique. Étant donné que Kiev refusait fermement de s'entendre avec le Donbass, il ne lui restait plus qu'à attendre pour voir si les sanctions feraient leur effet sur la Russie et si les diplomates occidentaux ne parviendraient pas une fois de plus à refourguer une marchandise avariée à Moscou — en promettant des montagnes d'or mais sans fixer leurs promesses sous la forme d'accords contraignants (comme quand il avait été promis à Gorbatchev que l'Otan ne s'élargirait pas vers l'Est).
Le général Zakhartchenko est plus concret et connaît mieux le sujet: il note que les Accords de Minsk n'ont pas répondu aux attentes et aux espoirs, mais qu'il n'y a pas de plate-forme alternative de négociations. Donetsk espérait naturellement que le processus de paix initié par Minsk 2 permettrait au moins de faire cesser les bombardements des villes et l'activité rampante de l'armée ukrainienne sur la ligne de démarcation. Ces espoirs étaient vains. Néanmoins, le dirigeant de la DNR a raison: il n'y a pas d'autre plate-forme de négociations et il faut donc utiliser celle-ci. D'autant que les Accords de Minsk sont approuvés et confirmés par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, en d'autres termes ils ne sont plus un simple accord multilatéral mais un élément de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies — document ayant la plus grande légitimité juridique internationale.
En outre, pour le troisième anniversaire de Minsk 2 en Allemagne (l'un des trois pays garants des accords), après de longs et durs mois de négociations, a été présenté le projet d'accord de coalition entre la CDU/CSU et le SPD soumis à l'approbation aux structures de parti. S'il était validé, Angela Merkel resterait chancelière, tandis que les sociaux-démocrates obtiendraient la majorité au gouvernement et renforceraient leur contrôle sur la politique étrangère.
Les plans de coopération avec la Russie nourris par l'Allemagne sont bien plus vastes — allant jusqu'aux efforts conjoints pour créer un espace commun de Lisbonne à Vladivostok, au sein duquel Moscou et Berlin, guidés par les principes de l'OSCE, garantiraient aux États européens la sécurité et la souveraineté. Bref, Berlin veut diriger l'UE avec Moscou et il est prêt, pour cela, à faire entrer l'UE au sein de la grande Eurasie.
Il est évident que personne ne sacrifiera des plans aussi ambitieux pour l'Ukraine, mais désormais les Accords de Minsk figurent dans l'accord de coalition en Allemagne et sont donc un facteur de la politique nationale allemande. Autrement dit, même inaccomplis ils élargissent leur sphère d'action. D'abord, d'un simple facteur de politique ukrainienne ils se sont transformés en facteur de politique régionale, et à présent ils deviennent progressivement un facteur de politique globale influençant l'avenir non seulement de l'Allemagne, mais également de toute l'UE.
C'est un mauvais signal pour l'Ukraine. La politique de l'Allemagne et de l'UE ne peut pas dépendre de Kiev, tandis que Kiev dépend entièrement de Berlin et de Bruxelles. Au final les Accord de Minsk, en tant que facteur de politique européenne et mondiale, échappent complètement au contrôle des autorités ukrainiennes. Désormais leur action, inaction ou opposition sera jugée par d'autres politiciens dans l'intérêt d'autres pays.
Ce faisant, les Accords de Minsk reçoivent une seconde chance. Devenus l'élément d'un grand jeu global, ils perdent complètement leur lien avec l'Ukraine et son sort. Même s'il n'y avait plus d'Ukraine, les Accords de Minsk pourraient rester en vigueur avec un nouveau contenu. Car la disparition de l'État ukrainien n'annulera pas la nécessité de régler par la voie pacifique le conflit qui a entraîné cette disparition.
Puisque les Accords de Minsk sont un instrument souple et pratique pour régler ce problème, quel que soit le format et le nombre de participants, l'option de leur rénovation, restauration et réactivation est tout à fait probable. Quoi qu'il en soit, leur intégration à l'accord de coalition allemand pour le troisième anniversaire de l'«impasse» crée de bonnes prémisses.