«Une Loi de Programmation c'est de la planification. L'idée s'est de dire, voilà ce qu'on veut faire et voilà les moyens qu'on consacre pour arriver à remplir les objectifs qu'on se fixe.»
Romain Mielcarek, journaliste indépendant et spécialiste dans le domaine de la Défense, relativise les attentes autour de la Loi de Programmation Militaire (LPM) dévoilée ce jeudi 8 février par Florence Parly lors du Conseil des Ministres. L'annonce a cependant fait du bruit. Après des années de coupes budgétaires, qui ont notamment entraîné la démission fracassante de l'ancien chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, durant l'été 2017, l'exécutif programme une allocation de près de 300 milliards d'euros de 2019 à 2025.
En effet, la LPM prévoit une hausse de 1,7 milliard par an jusqu'en 2022, puis de 3 milliards d'euros par an à partir de 2023, soit après le mandat actuel d'Emmanuel Macron. Mais ce n'est pas cette première condition que souhaite relever Romain Mielcarek:
«Il faut que le Parlement valide le projet, ce qui n'est pas encore fait. Et il faut que la situation politique, économique, sécuritaire correspondent à la réalité qu'on a anticipée.»
En effet, chaque année, le Parlement doit valider le budget de l'armée, comme pour tous les autres ministères. Mais outre cette condition qui dépend de la volonté du politique, la LPM pourra être appliquée si le contexte le permet. Notre expert illustre cette condition par deux exemples récents: la crise financière de 2007 et les attentats de ces dernières années.
Durant l'annonce de cette nouvelle Loi de Programmation Militaire, Florence Parly a révélé compter sur d'avantage de coopération européenne qui n'est pas «une menace, c'est le gage de notre sécurité, de notre souveraineté.»
Si les industriels semblent se féliciter de ces promesses, l'accord de la nouvelle coalition en Allemagne — qui a fixé des conditions très restrictives sur les exportations d'armement — pourrait empêcher la réduction des dépenses et l'augmentation des recettes dans ce secteur et donc l'application de la LPM. Mais Romain Mielcarek doute peu des restrictions allemandes et de leurs répercussions pour la Défense française:
«Non, ce sont des projets qui sont multinationaux, donc les industriels concernés ne sont pas dupes. Ils savent très bien quelle est la logique politique de l'Allemagne. Il faudra voir ensuite en quoi consistent ces réductions de politiques d'exports. Pour l'instant, je pense qu'il s'agit surtout de limiter l'export vers certains pays et pas l'export en général.»
«Dans des projets comme cela, ce sont des pays qui exportent. Donc, quand bien même, l'Allemagne déciderait à un moment, d'arrêter d'exporter des hélicoptères TIGRE par exemple, rien n'empêche la France de continuer à faire ce type d'exports. Dans chaque projets multinationaux, chaque pays est libre de mener sa propre politique d'export.»
Enfin, une autre condition devra être honorée pour que la Loi de Programmation Militaire puisse être respectée: la coopération européenne. Cette coopération des pays membres de l'Union européenne est le souhait d'Emmanuel Macron. Paris souhaite en effet, un appui du Fonds européen de défense et une coopération structurée permanente. L'exécutif insiste donc sur la promotion d'une souveraineté européenne que développe Romain Mielcarek:
«L'idée [de la LPM], c'est d'avoir de plus en plus des opérations qui soient européennes, c'est d'avoir une Europe qui ne soit pas autant dépendante de l'OTAN et c'est de pouvoir mener des opérations tous ensemble, de la manière la plus efficace possible. Donc cela passe par de l'entraînement mutualisé, cela passe par des protocoles qui sont les mêmes, cela peut passer aussi à plus long terme sur des équipements communs, etc.»
Et il ajoute pour conclure:
«Je ne crois pas qu'à terme l'idée soit de remplacer l'OTAN par l'Europe de la Défense. L'idée est d'avoir une capacité autonome au niveau de l'Europe pour mener des opérations sans avoir à dépendre d'autres alliés ou d'autres partenaires, en l'occurrence, les États-Unis.»