Passeurs à Calais: la nouvelle loi de la Jungle

Une vingtaine de blessés, dont quatre entre la vie et la mort, touchés par balles: jeudi, Calais est devenue le théâtre de violents affrontements entre migrants afghans et africains. Un «degré de violence jamais connu», selon le ministre de l’Intérieur. Comment en est-on arrivé là?
Sputnik

«Des drames, on en vivra encore, la situation ne va pas s'améliorer», déplore Bruno Noël, secrétaire zonal du syndicat de police Alliance. Jeudi 1er février, plusieurs rixes ont éclaté en divers endroits de Calais entre des centaines de migrants: 22 personnes ont été hospitalisées, cinq ont été touchés par balles, dont quatre grièvement. «On a atteint une escalade de la violence devenue insupportable pour les Calaisiens et les migrants», a déclaré Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, qui s'est rendu en début de nuit sur les lieux de l'une des rixes.

Des scènes de guérilla urbaine, où «un passant, un Calaisien, n'importe qui, aurait pu se prendre une balle perdue», s'inquiète Bruno Noël, soulignant qu'au-delà des tensions interethniques, qui étaient courantes dans la Jungle, les passeurs occupent toujours (ou gagnent?) le terrain:

«Derrière ce drame, il y a un réseau de passeurs international. Dans la plupart de ces réseaux, on retrouve des Afghans. Les Érythréens ont refusé de se prêter au jeu, de se soumettre à leurs lois pour passer en Angleterre», et auraient agi, armés de barres de fer, en représailles.

Treize blessés, dont quatre par balles, dans une rixe entre migrants à Calais
Vendredi, la police recherchait un ressortissant afghan qui aurait été particulièrement impliqué dans l'un de ces violents affrontements, suspecté d'être l'auteur de coups de feu sur des Érythréens, âgés de 16 à 18 ans, selon le parquet de Boulogne-sur-Mer interrogé jeudi par l'AFP. M.Collomb a également pointé la principale cause de ces violences, la présence de passeurs sur les lieux de l'ancienne Jungle. Une traque sans fin, et qui pourrait s'accélérer:

«Les collègues démantèlent des réseaux très régulièrement, mais vous savez bien c'est très lucratif. On en démantèle un, un autre se met en place le lendemain. C'est compliqué, d'autant plus que les migrants vont être plus nombreux, car on a demandé à l'Angleterre de faire des efforts sur l'accueille des mineurs».

Pourtant, même si «on est revenu à une situation qui ressemble beaucoup à celle de 2015», année de création de la Jungle, démantelée en octobre 2016, d'après une source judiciaire citée par l'AFP, Bruno Noël ne se dit «pas surpris» par ce pic de violence.

Migrants: la Belgique est-elle le nouveau Calais?
Environ 800 migrants, qui veulent passer en Grande-Bretagne, vivent actuellement à Calais, selon les derniers chiffres des associations, entre 550 et 600, selon la préfecture. Pour les associations, la pression des forces de l'ordre, qui empêchent toute tentative d'installation de camps, favorise aussi le climat de tensions. Pour Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam, joint par France Info, ces violences ont pour cause «une exaspération» et «une tension énorme» au sein des migrants, dues notamment au «harcèlement au quotidien» des forces de l'ordre. «La grande difficulté aujourd'hui, c'est le harcèlement quotidien»:

«Jeudi dernier, il y a eu une rixe entre la police et des migrants, un migrant a perdu son œil. Depuis, chaque matin, la seule solution, c'est le désquattage, c'est démolir les tentes, etc… Donc il y a une exaspération, il y a une tension énorme», poursuit-il. Une tension et une «précarité» qui «laisse le champ libre aux passeurs», selon l'humanitaire.

La dernière rixe entre migrants ayant débouché sur des blessures par balles remonte au 25 novembre 2017, lors d'un échange de tirs entre deux groupes d'Afghans, possible règlement de comptes entre passeurs. Cinq d'entre eux avaient été blessés.

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