Avant cela, les cheikhs arabes, qui voulaient en faire un jet d'affaires hypersonique, s'étaient également intéressés au bombardier. Et bien qu'à première vue l'idée paraisse exotique, l'histoire de l'industrie aéronautique russe connaît plusieurs exemples de conversion réussie d'appareils militaires en avions civils, dont certains sont devenus de vraies légendes. Sélection.
De l'«Ilia Mouromets» au Tu-104
Le premier avion de ligne soviétique de grande série avec des «origines» militaires devait être le Tu-70, prévu pour 72 passagers. L'appareil, qui a décollé en 1946, a été conçu sur base du bombardier B-4 — une réplique soviétique de la «forteresse» américaine B-29. Et malgré le plan de transformer ainsi 70 avions, un seul l'a finalement été.
Le premier avion de ligne soviétique, le Tu-104, est issu du bombardier Tu-16. Toutefois on devinait difficilement les traits de ce dernier dans le nouvel appareil. Contrairement au Tu-16 le Tu-104 est un avion à aile basse, la longueur de l'appareil a augmenté de 4 mètres et le diamètre du fuselage a été élargi jusqu'à 3,5 mètres. Le destin du Tu-104 n'a pas été sans encombres: il est entré dans l'histoire comme l'avion ayant connu le plus grand nombre d'accidents — 18% de tous les appareils construits se sont écrasés. Le Tu-104 a travaillé dans l'aviation civile jusqu'en 1979. Sa version réduite — l'avion moyen-courrier Tu-124 — a également été retirée du service à cette époque.
L'expérience étrangère la plus réussie de conversion d'un bombardier est le Boeing 307 Stratoliner conçu sur la base de la «forteresse volante» qu'était le B-17. Cet appareil qui a décollé en 1938 était le premier avion à cabine hermétique: il a ainsi ouvert une nouvelle ère dans l'aviation civile.
Coup d'essai
Comme nous pouvons le voir, les bombardiers ont joué un rôle notable dans le développement de l'aviation civile russe et mondiale. Aujourd'hui, le Tu-160 est déjà utilisé partiellement dans le secteur civil: les moteurs NK-32 conçus pour le «Cygne blanc» dans les années 1990 ont été installés sur le laboratoire volant Tu-144LL qui, dans le cadre du programme russo-américain conjoint de recherches de vol, a effectué plus de 20 vols. Mais s'il est encore possible de réaliser techniquement le projet d'un Tu-160 civil, les perspectives commerciales du nouvel appareil sont pour l'instant jugées incertaines par les experts.
«Les représentants de Tupolev disaient que des cheikhs voulaient acheter le Tu-160, mais ces derniers ont leurs caprices, explique Oleg Panteleev, directeur de l'agence AviaPort. Cette solution n'aurait aucune efficacité économique en principe. Utiliser une structure avec une masse de décollage aussi colossale pour transporter quelques personnes revient à tirer sur une mouche au bazooka. Sachant que la vitesse de croisière pour laquelle est prévu l'avion n'est pas si élevée que ça pour économiser du temps de vol. Le régime supersonique du Tu-160 sert à franchir la défense antiaérienne de l'ennemi et n'assure par une grande autonomie.»
Selon la plupart des experts interrogés, l'affaire se limitera très certainement à la construction de quelques exemplaires de Tu-160 civils car seulement des clients très aisés pourront se permettre un vol à bord d'un tel avion. Comme l'a déclaré Vladimir Poutine pendant sa rencontre avec les travailleurs à Kazan, il pourrait s'agir de grandes compagnies russes.
«Aujourd'hui la demande de places en première classe et en jet d'affaires sur les lignes transatlantiques est très élevée, poursuit Oleg Panteleev. Il ne faut pas oublier que les «Concorde» desservaient parfaitement New York malgré le prix des billets. C'est pourquoi on travaille actuellement sur plusieurs projets d'avions supersoniques aujourd'hui autour du monde.»
Les Américains sont les plus proches de la construction d'un jet d'affaires supersonique. Le premier vol de l'avion Aerion AS2 développé par Aerion Corporation et Lockheed Martin est prévu pour 2023. On rapporte que l'appareil pourra transporter 12 passagers à une vitesse de 1,5 Ma (1.800 km/h). La conception d'un avion civil sur base du bombardier Tu-160 est donc considérée avant tout comme une possibilité pour l'industrie aéronautique russe de s'affirmer dans la future niche de l'aviation d'affaires supersonique.