La péninsule coréenne a fait une entrée fracassante dans l'année 2018: lors de ses vœux du Nouvel an, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a tendu la main à Séoul, en disant souhaiter une amélioration des relations et l'ouverture d'un dialogue entre les deux Corée. Puis, Pyongyang s'est prononcé pour une participation aux JO de Pyeongchang et même sur une éventuelle réunification avec le Sud.
Après des mois de fortes tensions sur la péninsule coréenne, ce nouveau changement du cap nord-coréen soulève de nombreuses questions. Voici les réponses.
Pourquoi Pyongyang a-t-il choisi ce moment précis pour parler de réconciliation?
En jetant un œil dans le passé, c'était un geste attendu de Kim Jong-un, a déclaré Gueorgui Toloraïa, chef du Centre pour la stratégie russe en Asie à l'Institut d'économie de l'Académie des sciences de Russie.
Le chef du Département de la Corée et de la Mongolie de l'Institut des études orientales de l'Académie des sciences de Russie, Alexandre Vorontsov, a noté aussi le «facteur Moon Jae-in».
«Moon Jae-in s'y intéresse lui aussi vivement parce qu'il est extrêmement important pour les Sud-Coréens d'organiser avec succès les JO. C'est la raison pour laquelle ils ont répondu immédiatement et avec enthousiasme à l'initiative de Kim Jong-un. Pendant six mois, la Corée du nord étudiait Moon Jae-in. Lors de ma visite à Pyongyang, je demandais pourquoi ils ne réagissaient pas à leurs [Corée du Sud, NDLR] initiatives amicales. Ils répondaient: "Nous étudions attentivement et jugeons le nouveau gouvernement par ses actions concrètes. Car les actions concrètes affichent une solidarité totale avec les USA, et ne nous pouvons donc voir actuellement le visage autonome de la politique sud-coréenne"», a déclaré le chercheur.
«Particulièrement pour la Corée du Sud, qui ne devra pas retourner à son partenaire américain, dont les activités menaient vers une catastrophe sur la péninsule coréenne», a-t-il déclaré.
Pourquoi les USA accusent la Russie de ne pas participer au règlement du conflit coréen?
Dans un entretien accordé à l'agence de presse Reuters, mercredi 17 janvier, Donald Trump a accusé la Russie d'aider la Corée du Nord à se soustraire aux sanctions internationales en lui fournissant les matériaux que la Chine ne lui livre plus.
Selon le directeur du centre d'études coréennes à l'Institut russe de l'Extrême Orient, сe que les Américains ont en tête, c'est le refus de la Russie de se joindre aux sanctions américaines unilatérales contre la Corée du Nord.
«La Russie remplit toutes ses obligations en vertu des résolutions du Conseil de sécurité, mais rien de plus, et considère que les mesures unilatérales imposées par les États-Unis et leurs alliés sont absolument illégales et injustes. Moscou n'a naturellement pas l'intention d'y participer. Et les Américains estiment que depuis qu'ils ont introduit des mesures unilatérales, tous les autres pays doivent les suivre», a estimé Alexandre Gébine.
Pourquoi la Chine et la Russie n'ont pas été invitées au sommet de Vancouver?
La rencontre s'est notamment tenue en l'absence de la Russie et la Chine, deux pays-membres des «pourparlers à Six» (avec également les deux Corée, les États-Unis et le Japon).
«Les partisans des mêmes idées étaient présents, pourquoi inviter des opposants qui apporteraient une dissonance dans le chœur harmonieux des alliés américains?», a expliqué Alexandre Vorontsov.
Le but du sommet ne consiste pas seulement à durcir le régime des sanctions et de confirmer la fidélité des alliés, mais il est aussi de tester la détermination des participants de la guerre de Corée à envoyer leurs troupes sur la péninsule coréenne dans le cas d'un conflit armé, a estimé de son côté le chef du Centre d'études coréennes de l'Académie des sciences de Russie, Alexandre Gébine.
Pourquoi la participation nord-coréenne aux JO angoisse-t-elle le monde occidental?
Des experts et les médias mainstream ont immédiatement commencé à voir dans le nouveau ton nord-coréen «un cheval de Troie» préparé minutieusement par Pyongyang. Nombreux étaient les médias qui prédisaient un piège, un complot ou un plan rusé que Pyongyang envisage de réaliser lors des JO ou après.
«Pour l'administration américaine, toute action de la Corée du Nord et même l'initiative la plus pacifique s'appelle de la provocation. Le fait que les Nord-Coréens existent, c'est une provocation. Tout réchauffement des relations intercoréennes signifie l'affaiblissement du front uni construit soigneusement par les USA», a poursuivi Alexandre Vorontsov, faisant écho aux paroles de son collègue.
Pourquoi la participation aux JO ne signifie-t-elle pas un règlement du conflit?
Après la fin de la «trêve olympique», il est très probable que les États-Unis augmentent de nouveau leur pression et leurs activités provocatrices afin de forcer la Corée du Nord à répondre.
D'après Alexandre Gébine, la participation nord-coréenne aux JO ne signifie pas un changement radical dans les relations entre le Nord et le Sud. «Dans le meilleur des cas, nous ferons un retour à la situation des années 2000, quand il y avait des sommets des dirigeants, plus de 20 rencontres au niveau des ministres, quand un comité économique poursuivait ses travaux…», a-t-il estimé.
Et quid du développement nucléaire nord-coréen? Pyongyang le poursuivra peu importe l'amélioration ou la détérioration des relations avec son voisin, a estimé Vladimir Novikov, expert de l'Institut russe des recherches stratégiques.
«Parce que les objectifs ultimes de la politique américaine et nord-coréenne sont exactement contraires et ils ne peuvent pas être accomplis dans un avenir proche. À cet égard, la création d'un potentiel nucléaire nord-coréen est inadmissible pour les USA, mais pour la Corée du Nord, c'est l'unique moyen de survie. Elle continuera de le développer, les États-Unis continueront à mettre la pression», a-t-il conclu.