Contravention pour usage de cannabis: «on restera hors-la-loi, on connaît les risques»

Une contravention de 150 à 200 euros pour une personne prise en flagrant délit d’usage de cannabis? C’est l’idée proposée par deux rapporteurs au gouvernement. Sputnik a interrogé deux consommateurs réguliers de cannabis afin de comprendre si une amende forfaitaire pouvait les dissuader de «passer le oinj».
Sputnik

«Tant qu'ils n'arriveront pas à une légalisation, on restera hors-la-loi, on connaît les risques» déclare Stéphane, usager quotidien de cannabis.

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Désormais, pour les consommateurs de cannabis «passer le oinj» pourra être sanctionné d'une contravention. En effet, dans un rapport parlementaire remis ce mercredi 24 janvier au gouvernement, il est question de mettre en place une amende forfaitaire. Le montant de cette contravention pourrait aller de 150 à 200 euros afin de «tenir compte de la nécessaire solvabilité des usagers tout en conservant un caractère suffisamment dissuasif.» Les objectifs annoncés: clarifier les sanctions qui sont «peu lisibles et appliquées diversement sur le territoire» mais également soulager la charge de travail des forces de l'ordre et des magistrats.

Cette mesure pourra s'appliquer aux quelque 1,4 million de personnes déclarant avoir fumé au moins 10 fois par mois et plus particulièrement aux 700.000 usagers quotidiens (chiffres de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies). En outre, les mineurs ne seront pas concernés par cette mesure étant donné leur régime juridique spécifique: ils sont sous la supervision du juge des enfants. Alors que la France reste le premier pays consommateur de cannabis en Europe, l'application d'une amende forfaitaire est-elle le premier pas vers une légalisation? Une chose est certaine, nos deux témoins l'appellent de leurs vœux.

«C'est un premier pas qui ouvre le débat concernant le cannabis. C'est une bonne chose quand on sait qu'actuellement un consommateur pris en flag [flagrant délit, ndlr] risque d'être placé en garde à vue, se prendre une amende pouvant s'élever à 3.750 euros, ainsi que des heures de TIG [travail d'intérêt général, ndlr]. C'est un petit pas vers la dépénalisation!» espère Clémence.

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Néanmoins, Gérard Collomb a d'ores et déjà indiqué que cette loi de 1970 resterait en vigueur: la contravention n'empêchera pas les poursuites pénales. «Il peut y avoir des poursuites. Il n'y a pas de dépénalisation de l'usage du cannabis. En fonction de ce qu'on aura pu voir, la forfaitisation n'éteint pas l'action pénale.» Mais cette épée de Damoclès au-dessus de chaque fumeur de cannabis peut-elle réussir à modifier les comportements? Pour Stéphane, la réponse est catégorique: il ne compte pas changer ses habitudes.

«Ce n'est pas ça qui me fera arrêter. Jusque-là, on risquait un peu plus lourd mais on fume quand même. Donc ce n'est pas avec une amende que l'on va arrêter de fumer. Très clairement, ça ne changera rien du tout.»

Et d'ajouter,

«Pour nous, fumer est quelque chose de récréatif. Maintenant, cela reste un délit. On joue avec les règles que ce soit 300 euros ou 3.000 euros, qu'il y ait une contravention ou une peine de prison, cela ne changera pas ma consommation.»

​Une position que partage également Clémence. «Pour ma part, j'évite de consommer dans les lieux publics. Je ne me suis jamais fait arrêter. Il faut dire qu'avec ma tête, je passe toujours entre les mailles du filet des forces de l'ordre, ce qui n'est malheureusement pas le cas de tout le monde… mais c'est un autre débat». Pour nos deux usagers, cette idée est d'avantage liée à une possibilité de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État. Et pour cause, l'exécutif ne «proposerait pas un tel projet sans gagner quelque chose en retour», dénonce Clémence.

«Clairement, on est des vaches à lait, ce n'est pas une surprise. C'est un peu comme l'abaissement de la limite de vitesse sur les routes départementales de 90km/h à 80. Niveau prévention, je ne vois pas l'intérêt […] d'avoir une contravention parce que tu fumes. Cela ne va pas changer le risque lié à la consommation. Ce n'est pas préventif, c'est de la répression pure et dure», déplore Stéphane.

Néanmoins, le gouvernement semble faire l'impasse sur le problème majeur lié au cannabis: le trafic de stupéfiant qui ronge certains quartiers français. Le fait de distribuer des contraventions pourrait-il permettre de lutter efficacement contre les bandes organisées, en les frappant aux porte-monnaie? Rien est moins sûr… En France, le marché de la drogue est très lucratif, il générait 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010 (source INHESJ).

«Réprimander le consommateur n'aura aucun effet sur le trafic de drogue. Si tu as envie d'acheter, tu achètes! Peu importe les risques. Selon moi, nous devrions protéger le consommateur avant tout», déclare Clémence.

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Selon un rapport parlementaire, l'État mobiliserait 850 millions d'euros par an pour lutter contre le trafic et l'usage des stupéfiants. Emmanuel Macron pointait d'ailleurs les limites du système actuel sur France Inter en septembre 2016. «Aujourd'hui, le cannabis pose un problème en effet de sécurité, de lien avec la délinquance dans des quartiers difficiles, de financement de réseaux occultes. On voit bien que la légalisation du cannabis a des intérêts de ce point de vue et a une forme d'efficacité.»

Pour l'heure, à défaut d'une légalisation, la tolérance reste de mise.

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