Au seuil de la fin du monde: quand étions-nous si proches de l’Apocalypse?

Le monde n’a jamais été aussi prêt du déclenchement d’une guerre nucléaire depuis 1953, affirment les experts de la revue Bulletin of the Atomic Scientists. Néanmoins, dans l’Histoire d’après-guerre, il y a eu plusieurs moments où nous étions à un pas de cette catastrophe, tout en l’évitant. Réussirons-nous à écarter ce danger encore une fois?
Sputnik

Désormais, l'horloge de l'Apocalypse indique 23h58, ce qui signifie que nous n'avons que deux minutes afin de prévenir une catastrophe. La décision d'avancer cette horloge symbolique, créée en 1947, a été prise par les scientifiques de la revue Bulletin of the Atomic Scientists suite à l'augmentation des craintes provoquées par les nouveaux essais nucléaires et balistiques auxquels la Corée du Nord avait procédés en 2017, par l'insuffisance des efforts pour lutter contre le réchauffement climatique et par l'utilisation abusive des technologies numériques. Quels évènements historiques nous avaient déjà rapprochés de la fin du monde?

L'essai de la première bombe nucléaire soviétique

Le monde n’a plus que «deux minutes» avant l’Apocalypse
L'Union soviétique a procédé à son premier essai nucléaire le 29 août 1949, quatre ans après le premier test nucléaire américain et les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, au Japon. La bombe A soviétique surnommée «Premier éclair» a été testée sur le polygone de Semipalatinsk, dans les steppes kazakhes.

Une réplique de la première bombe nucléaire soviétique

Dès ce moment, deux superpuissances déjà impliquées dans la guerre froide étaient dotées d'armes dont les conséquences seraient dévastatrices pour le monde entier.

En 1949, l'horloge de l'Apocalypse (ou «Doomsday Clock» en anglais), créée deux ans auparavant et remontée alors à 23h53, a été avancée de quatre minutes.

Les essais des bombes H

L'étape suivante dans le développement des armes nucléaires a été la mise au point de la bombe H (bombe à hydrogène) et son essai par les États-Unis et l'Union soviétique avec un écart de neuf mois. Le test américain intitulé «Mike» a été effectué le 1er novembre 1952 sur les Îles Marshall. L'explosion de la bombe H a eu un effet énorme, en créant un nuage d'environ 160 kilomètres de long et de 40 kilomètres de haut et détruisant la vie sur les îles alentours.

Le 12 août 1953, les Soviétiques ont testé leur bombe H «RDS-6s» surnommée par les Américains «Joe-4». Bien que son explosion ait été moins puissante que celle de sa consœur américaine, elle avait un avantage incontestable: être largable depuis un avion.

Par la suite, en 1953, le Bulletin of the Atomic Scientists a encore avancé son horloge prophétique d'une minute. L'heure indiquée sur cette horloge a atteint un niveau critique — 23h58 — le même que celui d'aujourd'hui.

Les guerres et l'apparition de nouvelles puissances nucléaires

L'évolution positive de la situation sur la scène internationale à la fin des années 1950 a affaibli les craintes concernant l'imminence d'une guerre nucléaire. Entre 1953 et 1968, l'horloge de l'Apocalypse a été retardée à deux reprises, en 1960 et en 1963, après que les États-Unis et l'URSS ont signé le Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires. Même la crise des missiles de Cuba de 1962 n'a pas renversé cette tendance.

Suite à ces développements positifs, l'horloge indiquait 23h48 jusqu'en 1968 quand elle a été avancée de cinq minutes. Les causes de ce recul?

L'avènement de la France et de la Chine comme deux nouvelles puissances nucléaires (en 1960 et en 1964 respectivement) et l'escalade de la guerre du Vietnam après l'envoi des premières unités américaines de combat dans ce pays asiatique en 1965.

La guerre des étoiles de Ronald Reagan

Après une courte période de «dégel» dans les relations internationales sur fond de la signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1968, l'horloge de la fin du monde a été avancée à quatre reprises consécutives au cours des années 1970. En 1984, elle indiquait 23h57.

La dernière goutte d'eau a été le programme d'Initiative de défense stratégique (IDS), surnommé guerre des étoiles, proposé par le Président Reagan en 1983. Cette initiative, qui prévoyait le déploiement dans l'espace de systèmes d'interception de missiles balistiques, a déclenché une nouvelle spirale de la course aux armements. Ayant peur que ces systèmes permettent aux États-Unis de lancer la première frappe nucléaire, l'URSS a élaboré la conception d'«une riposte asymétrique» impliquant un large éventail de mesures jusqu'à l'utilisation de ses forces nucléaires stratégiques.

Néanmoins, l'IDS n'a jamais vu le jour et a été abandonnée après la chute de l'URSS, bien que certaines composantes de ces systèmes aient été créées.

Les États-Unis se retirent du Traité ABM

Au cours des années 1990, une vision optimiste régnait sur la scène internationale grâce à la fin de la guerre froide. Il y avait des espoirs que les armes nucléaires seraient complétement abandonnées. Pour la première fois, cette idée a été avancée par Mikhaïl Gorbatchev. En 1986, il a proposé à Ronald Reagan d'éliminer toutes les armes nucléaires avant 2000.

Pourtant ces projets sont restés lettre morte. En 2002, les États-Unis se sont unilatéralement retirés du Traité ABM (ABM pour Anti-Balistic Missile) signé en 1972. De plus, ils ont commencé à réaliser leurs projets de déploiement de systèmes antimissiles en Europe de l'Est. La Russie a à plusieurs reprises souligné le lien entre armements défensifs et offensifs, en indiquant que les systèmes américains de boucliers antimissiles «sapaient la stabilité stratégique».

Le réchauffement climatique et la Corée du Nord

Pour la deuxième année consécutive, le Bulletin of the Atomic Scientists décide d'avancer l'horloge de l'Apocalypse de 30 secondes. Le 25 janvier, elle a été remontée à 23h58 tout comme en 1953.

Les scientifiques indiquent que pour que leurs pronostics ne soient pas vérifiés, Donald Trump doit renoncer à sa rhétorique provocatrice à l'égard de la Corée du Nord et ne pas recourir à des mesures musclées afin d'éviter une dégradation de la situation en péninsule coréenne. Ils soulignent également l'importance de la préservation de l'accord sur le nucléaire iranien. Un autre problème urgent est celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Selon la dernière publication du Bulletin of the Atomic Scientists, les gouvernements de tous les pays doivent redoubler d'efforts afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Malgré tous ces moments critiques, aucun pays n'a jamais franchi la ligne russe, en déclenchant une guerre nucléaire. Mais selon Kennette Benedict, experte du Bulletin of the Atomic Scientists, le risque nous accompagnera toujours tant que nous avons de telles armes.

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