Paradis fiscaux: La Tunisie intègre le club des 55 nuances de gris

Une cinquantaine de pays figurent désormais sur la liste grise de l’Union européenne, après le récent déclassement de huit blacklistés. Parmi ceux-ci, la Tunisie, qui intègre ainsi le club des 55, dont «la grisaille» s’analyse en nuances, tant la situation de ces pays, et quelquefois la nature de leurs engagements, sont différents.
Sputnik

«Un retour à l'ordre des choses»: Bouraoui Limam, porte-parole du ministère tunisien des Affaires étrangères, résume pour Sputnik le satisfecit général chez les officiels tunisiens.

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Le mardi 23 janvier, on a accueilli avec soulagement les conclusions d'une réunion à Bruxelles: le conseil des ministres des Finances de l'Union européenne annonçait en effet le retrait de huit pays de la liste noire des «juridictions non coopératives en matière fiscale». La Barbade, la Corée du Sud, la Grenade, les Émirats arabes unis, Macao, la Mongolie, le Panama et la Tunisie faisaient partie, jusque-là, d'une liste noire de 17 paradis fiscaux établie, le 5 décembre dernier, par les 28 ministres des Finances de l'UE.

Le principal reproche européen aux autorités tunisiennes portait sur des avantages fiscaux octroyés à des entreprises exportatrices offshore, dont des multinationales européennes installées en Tunisie. Conséquence, nombre de délocalisations d'opérateurs européens vers ce pays qui leur offre, en sus d'une main-d'œuvre bon marché, un taux d'imposition de l'ordre de 10%, contre 25% pour les entreprises onshore.

«Nous avons pris l'engagement d'examiner, en coordination avec l'Union européenne, notre politique de convergence (de taux d'imposition, ndlr) entre les deux secteurs, onshore et offshore, durant l'année 2018», a résumé dans une déclaration à Sputnik Taoufik Rajhi, ministre auprès du chef du gouvernement, chargé des grandes réformes.

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Rien de concret, donc. De quoi rassurer ceux qui craignaient que le pays n'abandonne ses incitations fiscales, qui font partie d'une politique industrielle de promotion des exportations engagée depuis les années 70. Toutefois, le ministre a rappelé que la Tunisie s'était spontanément engagée depuis quelques années dans une politique de convergence des taux d'imposition des deux secteurs. Cela tient au fait, d'une part, qu'une légère augmentation des taux d'imposition n'est pas rédhibitoire pour les entreprises européennes qui s'installent en Tunisie et qu'en outre, cela permettra d'alléger la pression fiscale sur les entreprises onshore.

«L'Union européenne veut que l'on accélère cette convergence, en réduisant les incitations fiscales, alors que nous, nous le faisons à notre rythme en prévoyant une différence de 10 points entre les deux secteurs d'ici 2020», a ajouté Rajhi.

Pour les officiels comme les observateurs tunisiens, l'inscription sur la liste noire était dès lors une mesure «aberrante», puisqu'en tant que «juridiction non coopérative en matière fiscale», la Tunisie se retrouvait stigmatisée avec des colistiers dont la «non-coopération» s'analyse plutôt en termes d'évasion fiscale.

«L'un des arguments avancés par les autorités tunisiennes tenait au fait que l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économique) ne considère pas les facilitations fiscales de ce type comme un critère définissant un paradis fiscal», conclut le ministre tunisien.

Raison pour laquelle les Tunisiens avaient trouvé cette mesure «injuste [en ce qu'elle, ndlr] entache la réputation du pays», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bouraoui Limam. Ce d'autant plus que l'Union européenne, «qui est, de loin, le premier partenaire stratégique de la Tunisie et soutient sa transition économique, sait mieux que quiconque les efforts consentis par les autorités tunisiennes pour réussir cette transition avec des réformes engagées en profondeur et nombreux défis auxquels nous sommes exposés».

«Nous nous félicitons de cette décision qui rectifie le tir et qui est intervenue après tout un travail de sensibilisation que nous avons entrepris auprès de nos partenaires européens pour leur exposer la démarche tunisienne. À présent, nous espérons tourner la page, regarder vers l'avenir, et développer davantage nos relations avec l'UE», a conclu le porte-parole de la diplomatie tunisienne.

Reste maintenant à considérer le devenir de la Tunisie au sein d'une liste aux multiples nuances de gris.

«C'est une liste de mise sous surveillance par rapport aux engagements pris par la Tunisie. Si on est bon, on passe sur liste blanche, sinon, sur la liste noire ou [on accorde, ndlr] un délai additionnel tout en restant dans la grise», a expliqué à Sputnik Achraf Ayadi, expert bancaire et financier basé à Paris.

Cette catégorie englobe des pays avec des situations différentes et des engagements variés, confirme Ayadi. Ils se sont tous engagés, en revanche, à respecter leurs engagements «à remédier aux inquiétudes de l'Union européenne», d'après le communiqué, tombé mardi, du conseil des ministres des Finances de l'UE. Pour le cas du Maroc, par exemple, il s'agit de prendre des mesures pour lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Rabat devra, en outre, prendre des engagements pour introduire plus de transparence fiscale et une taxation plus équitable.

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La Corée du Sud s'était vue particulièrement reprocher les facilitations fiscales accordées aux investisseurs étrangers qui opèrent majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies dans les zones économiques franches, d'après le quotidien coréen Hankyoreh.

Les Émirats, à qui on reprochait la porosité des mécanismes de contrôle des fonds des investisseurs étrangers, se sont engagés à durcir l'applicabilité de ces mécanismes. Alors que pour la Namibie, qui a manqué de peu son basculement dans la liste grise, l'UE lui demandait de rejoindre le cadre inclusif de l'OCDE en matière de BEPS, ou d'adopter, le cas échéant, les standards minima fixés par l'OCDE en la matière.

Entre-temps, en Tunisie, après s'être félicité de cette décision européenne, place à la prise de responsabilités. Le 10 janvier, l'Assemblée des représentants du peuple a approuvé la création d'une commission d'enquête pour déterminer les responsabilités dans ce classement de décembre dernier. À l'origine de cette décision, en effet, «un manque d'empressement» à réagir de la part des autorités tunisiennes. Les Européens avaient adressé un questionnaire au gouvernement tunisien, qui avait été renseigné et complété avec insuffisamment de promptitude.

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