«La demande de la France de réunir le Conseil de Sécurité est une demande beaucoup plus générale, dont l'agression générale de la Turquie dans la zone syrienne tenue par les Kurdes n'est qu'une partie.»
Le général Dominique Trinquand, spécialiste de la politique internationale et conseiller Défense d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle indique d'emblée que l'appel lancé par Paris de réunir en urgence le Conseil de Sécurité de l'ONU ne vise pas que l'opération «Rameau d'Olivier» menée par Ankara pour détruire les forces Kurdes de Syrie. Considérant les Kurdes situés au nord de la Syrie comme des terroristes, la Turquie estime que son territoire national est en danger.
Ainsi après avoir massée des troupes et du matériel à sa frontière sud, la Turquie a déclenché une opération militaire et n'a pas hésité à menacer tous ceux qui prendraient la défense de ses ennemis.
««Si la France ou un autre pays porte l'affaire d'Afrin devant le conseil de sécurité de l'ONU, la Turquie considérera qu'elle prend parti pour une organisation terroriste et agira en conséquence».
Cette déclaration met en lumière la tension extrême du moment et indique que les relations entre Paris et Ankara pourraient se détériorer rapidement. Mais ce n'est pas l'avis de Dominique Trinquant:
«Il n'y a pas de rupture à avoir. Les réactions virulentes de la Turquie sont bien connues quand on parle des Kurdes. […] Les Kurdes ont fait partie de la coalition pour lutter contre Daesh et les Kurdes font partie de la physionomie que nous devons avoir sur la Syrie après la guerre.»
Rappelons que toute cette opération est liée à l'annonce américaine de créer une force frontalière de 30.000 hommes, composée en grande partie de Kurdes et située sur la frontière qui sépare la Syrie de la Turquie. La réaction américaine est donc plus qu'attendue. D'autant plus qu'Ankara est un membre de l'Otan, comme le souligne Dominique Trinquand:
«Depuis le départ, la position de la Turquie dans l'OTAN est un vrai problème, à partir du moment où elle n'est plus facteur de stabilité, mais facteur d'antagonisme.
Le Président Macron, il y a quelques semaines, en recevant le Président Erdogan, avait dit clairement ce qu'il pensait de la position de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne.»
Et il ajoute:
«Pour l'OTAN le problème n'est pas traité, mais il y a un vrai sujet qu'il faudra traiter à un moment ou à un autre. Si vous voulez, un pays qui devient un agresseur en particulier envers la Syrie, à l'opposé de ses alliés au sein de l'OTAN est forcément perturbateur. Donc il va falloir traiter ce sujet-là, évidemment.»
Et il est donc clair que les actions militaires menées par Ankara en Syrie troublent les États-Unis et tous les autres membres de l'OTAN.
Cette nouvelle guerre, alors que Daesh a déjà un pied dans la tombe, pourrait nuire aux efforts de Moscou dans la résolution du conflit syrien. En effet, c'est l'ensemble du processus d'Astana qui pourrait tomber à l'eau:
«On connait les liens qu'il y a entre la Russie et la Turquie. Donc la Russie a son rôle à jouer pour tempérer les ardeurs de la Turquie, d'autant que les zones de conflits qu'il y avait par exemple dans la région d'Idleb ont été définies entre la Russie, la Turquie et l'Iran en particulier.»
Et le général de préciser sur Astana:
«Oui [l'action militaire turque contre les Kurdes en Syrie peut nuire au processus d'Astana, ndlr] naturellement puisque des zones, qui sont des zones de désescalade, redeviennent des zones de conflits. Donc naturellement, cela pose un problème au processus d'Astana.»
Si l'Iran, l'Irak et la Syrie trouvent évidemment un intérêt dans le coup porté par Ankara sur les Kurdes, la volonté d'expansion d'Erdogan inquiète tout de même ses voisins, à l'instar de la Russie et des États-Unis. Quant à la France, elle souhaite profiter de cette nouvelle crise pour retrouver sa voix en Syrie:
«La France fait partie du Conseil de Sécurité. Elle a donc légitimement tous les droits pour réunir le Conseil de Sécurité, pour traiter d'un sujet qui est une menace à la paix internationale, comme le dit le chapitre 7 des Nations unies. […] La France plus globalement veut jouer un rôle pour la paix en Syrie.»