Troubles sociaux en Tunisie: le rideau tombe sur «les Nocturnes de janvier 2018»

Fin des haricots pour les récents troubles nocturnes en Tunisie, qui s’inscrivent dans une longue tradition de coups de grisou sociaux en janvier. Une source d’inspiration, visiblement aussi, pour beaucoup d’internautes.
Sputnik

C'est l'heure du bilan à Tunis. Après une semaine d'agitations dans plusieurs villes du pays, le ministère de l'Intérieur a annoncé, vendredi 12 janvier, un total de 778 interpellations parmi les casseurs et autres délinquants depuis le dimanche précédent. Par ailleurs, «aucun incident de vol ni de pillage n'a été enregistré dans la nuit de jeudi à vendredi», s'est félicité le porte-parole de l'Intérieur, Khlifa Chibani, dans une déclaration donnée à des médias tunisiens. Plusieurs blessés ont néanmoins été enregistrés du côté de manifestants comme du côté des forces de l'ordre.

Manifestations en Tunisie: un mouvement populaire ou une influence étrangère?
Une série de manifestations pacifiques avait été organisée, il y a une semaine, pour dénoncer la loi de finances 2018, votée en décembre dernier et jugée «antisociale». Une campagne «Fech Nestanew» (Qu'attendons-nous) a alors été lancée dans les réseaux sociaux pour inciter les Tunisiens à demander l'abrogation de la loi impopulaire et des hausses des prix qu'elle a engendrée.

Autant cette loi de finances a servi de catalyseur à des contestations sociales plus endémiques, autant elle a fourni le prétexte à des réseaux de casseurs pour s'activer la nuit. Ce seraient «les réseaux de corruption et de contrebande» mis en cause dans des enquêtes judiciaires qui en seraient les principaux instigateurs, accuse Youssef Chahed, le chef du Gouvernement, qui dénonce aussi l'irresponsabilité de certains partis politiques, comme le Front populaire (le principal parti de gauche).

Bon point, toutefois, pour la Tunisie qui a réussi à endiguer le phénomène, tout en évitant d'instaurer un couvre-feu.

Appel au Gouvernement, je vous en conjure, évitez le couvre-feu. Début 2011, nous étions 10 millions de Tunisiens, le 1er octobre de la même année, nous étions devenus 12 millions (allusion aux bébés de la révolution de 2011, quand les couvre-feux ont aussi servi à faire plus d'enfants, ndlr)

Cette mesure aurait été un mauvais signal envoyé par ce pays touristique, qui prêche depuis un moment pour son retrait de la liste des destinations à risque. Encore que cela n'a pas empêché des Tours Operators de reconsidérer leur planning de réservations sur la prochaine saison. Un internaute souligne, sur un trait d'humour, qu'il doit sûrement il y avoir «un problème de communication.»


Est-ce que quelqu'un peut suggérer au ministère du Tourisme de clarifier les choses avec les Tours operators? Qu'ils leur disent qu'il n'y a rien de grave, c'est juste qu'on organise, chaque mois de janvier, un festival qui est une sorte de tradition annuelle. De la même façon qu'on en trouve dans les grandes destinations, comme Berlin, Amsterdam, Venise, Vérone, Rio de Janeiro, ou à Buñol, avec le festival des tomates. C'est la même chose en Tunisie! On a un festival annuel où les policiers courent contre les manifestants. Et on y trouve des promotions sur les écrans plasma, les téléphones, les frigos (en référence aux actes de pillages, ndlr). Bref, au lieu d'annuler vos réservations, réservez plutôt pour la prochaine édition de janvier 2019, avant le sold-out. Bon, c'est vrai que par moments, y a un peu de violence, mais ce n'est pas moins le cas de la love parade de Berlin ou encore la fête taurine en Espagne!

C'est que le mois de janvier a été historiquement associé, dans l'histoire récente du pays, à toutes sortes de soulèvements. Du «jeudi noir» de janvier 1978, à la «révolte du pain» de 1984, des centaines de morts ont été enregistrées sur fond de contestation sociale. La révolte du bassin minier de Gafsa (Sud) a éclaté en janvier 2008, et c'était trois ans plus tard, en janvier 2011 que le soulèvement contre le régime de Ben Ali a atteint son paroxysme.

Le prompt retour au calme permettra, sans doute, de rectifier le tir au niveau des flux touristiques, qui peut très bien ne pas être affecté par ces incidents, juge-t-on du côté du ministère du Tourisme. Ce résultat a été le fruit d'une gestion sécuritaire qui a épargné de grandes pertes en vie humaine (un seul mort a été enregistré). C'est également le résultat d'une levée de boucliers dans les médias pour parler d'une seule voix en dénonçant ces actes de pillage, et jusque dans les mosquées. Suite à l'appel lancé par l'association des imams, les prêches du vendredi 12 janvier ont été majoritairement consacrés à mettre en garde contre de telles pratiques.


L'Association des imams appelle à mettre en garde les citoyens (fidèles, ndlr) à se laisser emporter par un groupuscule qui appelle au vandalisme.


Du pain béni pour beaucoup d'imams pour distiller, à l'occasion, leur fiel contre les «laïcards» de la gauche tunisienne, dont le principal parti a été mis en cause par le chef du Gouvernement.

Tout en appréhendant la dégradation de la situation, les Tunisiens se prêtent à leur jeu favori, appelé «tanbir», (dérision, raillerie). «L'heure du shopping a sonné» fusent les publications en fin de soirée, en allusion aux sorties nocturnes des pilleurs.


Bon, on se contente de cet extrait de 2018, passons directement à 2019!

En référence à l'augmentation des prix, qui a provoqué les manifestations sociales, cette internaute ajoute:


Est-ce que Pi (π) est toujours à 3,14, ou est-ce qu'il a augmenté aussi?

Bien que la situation sur le front du terrorisme soit stabilisée, la Tunisie, où l'état d'urgence sévit depuis 2015, doit faire face à des défis sociaux. Dans ses vœux de fin d'année, le président de la République Beji Caïd Essebsi avait prévenu que l'année 2018 sera décisive notamment parce qu'elle verra l'organisation des élections locales. «Nous demandons aux partis politiques un environnement propice à la réussite de ces élections».

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