Ukraine: la guerre de l’information bat son plein, jusque dans les cieux

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Un Su-35 (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 01.03.2022
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En Ukraine, la Russie a annoncé avoir le contrôle du ciel. Parallèlement, l’Union européenne dit vouloir fournir des avions de combat à Kiev. Le point avec le général (2 s) de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset.
Tôt le 28 février, le ministère russe de la Défense a dit avoir obtenu la suprématie aérienne en Ukraine. Moscou a annoncé la destruction de trente-huit systèmes de missiles sol-air S-300, Bouk M1 et Osa, ainsi que de cinquante-six stations radar. Mais la situation reste incertaine. Kiev soutient que ses systèmes de défense antiaérienne ont abattu des avions ennemis de chasse et de transport.
Comme toujours, la bataille des communiqués fait rage. Difficile dans ce brouillard de guerre informationnelle de distinguer le vrai du faux. En tout cas, de nombreuses vidéos circulent sur la Toile. Certaines montrent ce qui serait des avions de chasse ukrainiens, ou russes en fonction de l’observateur. Même chose concernant plusieurs épaves de chasseurs ukrainiens, retrouvés en flammes. Dans la nuit du 24 au 25 février, un Su-27 des forces aériennes ukrainiennes (PSU) aurait été abattu dans le ciel de Kiev par un missile sol-air russe, selon le ministre de l’Intérieur ukrainien.

La chasse ukrainienne existe-t-elle encore?

Bref, la chasse ukrainienne serait de sortie. Les plus fervents supporters de Kiev vont même jusqu’à créditer un mystérieux pilote de la PSU (forces aériennes ukrainiennes) de six victoires aériennes au-dessus de la capitale. Pour l’heure non confirmé, ce palmarès ferait de lui le premier "As" du XXIe siècle. Cependant, l’annonce de tels combats entre aéronefs des deux pays laisse dubitatif le général (2 s) de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset. Celui-ci tient à rappeler l’ampleur des frappes russes dans les premières heures de l’offensive.

"Si, depuis le 24 février, il y a eu des combats aériens, cela voudrait dire que des avions ukrainiens ont pu être mis en œuvre, être armés et décoller pour combattre. C’est-à-dire, a priori, avec un guidage au sol. Cela m’étonne, car j’ai eu l’impression que les frappes de décapitation ont été relativement complètes", développe l’officier, qui invite à la circonspection."

Le militaire déplore l’absence "d’informations sérieuses" en provenance du front, malgré la présence de nombreux reporters. Bien que cela puisse se comprendre "au vu de la géographie de l’invasion", cette lacune reste selon lui incompréhensible du fait de la proximité même du théâtre d’opérations. "On n’a pas de cartes, pas d’informations factuelles!", peste-t-il.
Toutefois, si ces combats aériens russo-ukrainiens se confirmaient, "cela témoignerait de frappes de décapitation incomplètes", estime-t-il. Des attaques "soit mal planifiées, soit mal exécutées". Pourtant une estimation européenne fait état de la destruction de 80% des défenses aériennes ukrainiennes (avions, radars, missiles).
Une chose est sûre aux yeux du général (2 s) Brisset: si la chaîne de commandement des forces ukrainiennes a vraisemblablement été "cassée dès le premier jour", les Russes auraient en revanche "totalement sous-estimé la capacité de résistance ukrainienne".
Quoi qu’il en soit, il y aurait un risque surprenant à engager massivement des troupes au sol alors que des appareils ennemis pourraient surgir du ciel à tout moment. La présence d’une colonne de blindés de 60 km, relevée le 28 février sur des images satellite, semble donc plutôt donner raison aux affirmations russes sur leur maîtrise du ciel.
Reste que l’épineuse question des drones se pose toujours. "En matière de défense sol-air, c’est beaucoup plus compliqué à gérer", concède notre intervenant. "Il semblerait que les convois blindés aient souffert."
En 2019, l’Ukraine a passé commande auprès de la Turquie de Bayraktar TB2, des appareils qui se sont particulièrement illustrés dans le conflit du Haut-Karabakh à l’automne 2020. Des prouesses qui ont incité Kiev à passer une nouvelle commande. Dès octobre 2021, le gouvernement ukrainien, peu disposé à la patience, s’est targué d’avoir mené une première frappe dans le Donbass.

Drones et Stinger, les jokers ukrainiens?

Aujourd’hui, d’autres vidéos montrent des frappes de drones sur les colonnes de blindés russes. Filmée depuis ce qui semble être une station de contrôle, l’une d’elles, diffusée par le chef de l’armée ukrainienne, montre une attaque sur un système antiaérien de type Bouk. De son côté, le ministère russe de la Défense affirme avoir abattu plusieurs de ces drones depuis le début du conflit, dont trois rien que dans la journée du 27 février.
De surcroît, plusieurs pays occidentaux ont annoncé le renforcement de leurs livraisons d’armements à l’Ukraine. Parmi ces armes censées rendre "impossible l’occupation de l’Ukraine", on retrouve le fameux Stinger. Bien qu’âgé de quarante ans, ce modèle de lance-missile sol-air portatif employé à grande échelle contre les Soviétiques en Afghanistan reste "une arme d’actualité" aux yeux de Jean-Vincent Brisset.

"Le Stinger interdit le Su-25 et les hélicos, du moins les rendent très difficiles d’usage", poursuit-il, avant de nuancer: "Si on tire une bombe à guidage laser de 30 kilomètres de portée, le Stinger ne sert à rien, ni même le Bouk d’ailleurs."

Apprendre à manier un Stinger ne réclame que "deux heures". Rien à voir avec la formation qu’implique l’envoi de blindés ou de chasseurs. Pourtant, Bruxelles entend bien également fournir des avions de combat à l’Ukraine. C’est en tout cas ce qu’a annoncé le 27 février, Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Ce qui pose le problème du don à Kiev d’aéronefs avec lesquels les pilotes ukrainiens, habitués aux MiG et aux Sukhoï, soient familiers. Seules la Pologne, la Bulgarie et la Slovaquie disposent aujourd’hui de MiG-29. Quant au Su-25, la Bulgarie en est le dernier utilisateur européen. Comme le relate le Figaro, en cas de cession de ces appareils, les pilotes ukrainiens devront aller les récupérer et décoller depuis ces États membres de l’UE pour rejoindre leurs bases.
L’UE achèterait donc des armements pour le compte d’un pays non membre pour la "première fois de son histoire", comme l’a souligné Ursula von der Leyen. Cette proposition ne suscite guère d’enthousiasme chez le général de brigade aérienne:

"Ces livraisons d’armes ne vont pas changer la face des choses. Elles vont simplement permettre que le conflit dure plus longtemps et qu’il y ait plus de destructions des deux côtés."

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