Proposition de loi sur l'homosexualité: "Le Sénégal ne sera pas livré aux lobbies LGBT!"

© AFP 2024 SEYLLOUManifestations contre la communauté LGBT au Sénégal, Dakar, le 23 mai 2021
Manifestations contre la communauté LGBT au Sénégal, Dakar, le 23 mai 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 30.12.2021
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Après une tentative solitaire non aboutie en 2016, 15 députés sénégalais porteurs d’une proposition de loi et soutenus par plusieurs dizaines d’organisations de la société civile souhaitent une criminalisation de l’homosexualité qui prend "des proportions inquiétantes et dangereuses".
Une patate chaude qui atterrit à l’Assemblée nationale du Sénégal. Les députés de la majorité présidentielle auraient sans doute choisi de plancher sur d’autres affaires sauf celle à laquelle ils sont confrontés depuis le 22 décembre. À cette date, une quinzaine de parlementaires du pouvoir et de l’opposition ont déposé une proposition de loi visant à criminaliser l’homosexualité. Derrière cette initiative, il y a le collectif "And Samm Jikko Yi" (Ensemble sauvegardons nos valeurs) qui regroupe "146 organisations" de la société civile. Il réclame "une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement ferme et une amende d’un million de francs CFA [1.524 euros, ndlr] à cinq millions de francs CFA [7.622 euros, ndlr] sans possibilité d’accorder des circonstances atténuantes [pour] quiconque aura été reconnu coupable d’actes contre nature".
"Depuis quelque temps, des éléments de la communauté homosexuelle envahissent l’espace public à travers d’inquiétantes provocations. Ils ciblent des lieux publics, dont des mosquées, pour procéder à leurs besognes. Nous n’accepterons jamais qu’ils livrent le Sénégal et les Sénégalais aux lobbies LGBT ", argumente Mame Makhtar Guèye, porte-parole du Collectif et de l’ONG islamique Jamra, interrogé par Sputnik.
Dans la loi sénégalaise en vigueur et datant de 1966, ne figure pas l’homosexualité en tant que telle. L’alinéa 3 de l’article 319 du code pénal prévoit une peine de prison d’un an à cinq ans et une amende comprise entre 100.000 francs CFA (150 euros) et 1,5 million de francs CFA (2.287 euros) pour quiconque "aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe". Pour le collectif And Samm Jikko Yi, les temps ont changé, les textes doivent évoluer pour "prendre en compte de nouvelles réalités".
Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, "le phénomène de l’orientation sexuelle au sens large heurte la morale et les croyances, frise l’indécence, sape la cohésion sociale et détruit les fondamentaux du pays de valeurs au sein duquel nous vivons. Il prend des proportions inquiétantes et dangereuses, utilise les moyens de propagande les plus subtils et les plus efficaces, que seule une résistance ferme sous la protection de la loi peut permettre d’arrêter".
"La loi actuelle est très imprécise, car elle ne réprime que les actes contre nature. D’où la nécessité que les infractions soient totalement visées et citées, à savoir homosexualité et lesbianisme. Et pour éviter une dispersion des textes de loi sur cette question, nous avons proposé à l’État de sévir contre ceux qui se livrent à la zoophilie et à la nécrophilie qui sont des actes tout aussi déviants", explique Mame Makhtar Guèye.
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"Clarification" ou "faux débat"?

Pour le Collectif anti-gay, la saisine de l’Assemblée nationale est d’autant plus pertinente que c’est l’ex-ministre de la Justice devenu ministre de la Défense, Sidiki Kaba, qui avait ordonné la libération d’un groupe d’homosexuels pris en "flagrant délit" de célébrations de "11 mariages"à l’école publique Ibrahima Diouf de Kaolack (à 200 kilomètres de Dakar) en 2016. Mame Makhtar Guèye rappelle que l’argument du ministre était le suivant: la loi parle d’actes contre nature; elle ne fait nulle part mention des termes "homosexuel" ou "homosexualité".
Mais en revendiquant "le soutien et la bénédiction" de tous les chefs religieux du Sénégal, musulmans et catholiques, le Collectif et ses 15 signataires devront batailler avec le groupe parlementaire majoritaire Benno Bokk Yaakaar.
"C’est un faux débat porté par des députés mus par des objectifs politiques inavoués qui est derrière cette proposition de loi en cette période pré-électorale. La législation sénégalaise en vigueur depuis 55 ans est [tellement] claire et nette à ce sujet qu’il n’est point besoin d’y ajouter ou d’en retirer virgule […] Le Président Macky Sall […] a dit, redit et répété que l’homosexualité n’est pas et ne sera pas reconnue dans notre pays tant qu’il sera à la tête du Sénégal, car cela est en porte-à-faux avec notre religion, nos valeurs et notre culture", s’est insurgé Aymérou Gningue, patron des députés de la majorité, auteur d’un communiqué publié le 25 décembre 2021.
Le Président Macky a marqué à plusieurs reprises son opposition manifeste à une légalisation de l’homosexualité, notamment lors d’une demande exprimée par l’ex-Président américain Barack Obama en visite au Sénégal en juin 2013. Le 21 décembre 2021, défendant une Convention de sécurité sociale entre le Sénégal et l’Espagne, la ministre des Affaires étrangères avait maintenu le cap sur la question.
"Dans ces pays, pas l'Espagne, mais d’autres pays, vous savez que des hommes peuvent se marier entre eux et les femmes aussi entre elles. Mais on leur a dit de ne même pas penser à amener ce débat ici au Sénégal. Nous refusons l’homosexualité qui est permise chez eux. C’est notre droit", avait indiqué Me Aïssata Tall Sall en réponse à des questions de députés laissant penser que l’Espagne avait formulé des demandes en ce qui concerne la situation des homosexuels sénégalais.
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L’opinion publique est dans l’attente de voir quel sort sera réservé à une proposition de loi qui a ses partisans et ses détracteurs. D'autant plus qu'en 2016, le député de la majorité présidentielle Amadou Mberry Sylla a tenté une démarche similaire avant de retirer son texte. Le Collectif And Samm Jikko Yi dit attendre "avec sérénité et espoir" que le quitus de recevabilité du Bureau de l’Assemblée nationale arrive aux mains de ses députés-relais. À la transmission "par courtoisie" du document au Président de la République, devrait succéder son examen par la Commission des lois avant une éventuelle séance plénière. Un petit parcours qui ne saurait garantir le succès d’une entreprise très sensible sur le plan politique et social.
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