Algérie: le Président promet que «celui qui s’attaque à l’unité nationale le paiera cher»
16:16 13.08.2021 (Mis à jour: 16:56 23.11.2021)
© AFP 2024 RYAD KRAMDIAbdelmadjid Tebboune
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Le Président algérien a accusé des organisations d’exploiter les incendies de forêt pour porter atteinte à l’unité nationale. Abdelmadjid Tebboune faisait notamment référence à Rachad, proche des Frères musulmans*, et aux séparatistes du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), tous deux classifiés récemment comme organisations terroristes.
C’est un Président algérien très remonté qui est apparu à la télévision publique jeudi 12 août 2021. D’une durée de 10 minutes, le discours à la Nation d’Abdelmadjid Tebboune était consacré à la grave crise provoquée par les incendies de forêt que connaît le nord du pays depuis plusieurs jours. Selon lui, des parties tentent d’exploiter cette catastrophe qui a fait officiellement 69 morts, pour «porter atteinte à l’unité nationale».
«Nous devons nous opposer à tous ceux qui tentent de diviser les Algériens [sur la base de l'appartenance] à une région ou à une autre. C’est cela le véritable crime. Les personnes qui ont trouvé la mort dans ces incendies sont originaires de différentes régions. (…) Nous devons faire attention aux microbes qui veulent profiter de l’occasion pour aller vers la division. L’État algérien est un et indivisible et le peuple algérien est un est indivisible.»
Menaces
Le Président Abdelmadjid Tebboune n’a pas hésité à menacer les parties et les individus qui exploitent la crise des incendies «pour semer la discorde». Il a notamment fait allusion à des personnes qui interviennent à partir de l’étranger.
«Nous utiliserons tous les moyens légaux pour briser ces individus qui s’attaquent à l’unité nationale. Celui qui s’attaque à l’unité nationale le paiera cher, même s’il est loin. Même s’il ouvre sa bouche de loin. Il viendra le moment où il paiera. L’unité nationale est sacrée, un million et demi de martyrs ont donné leur vie pour cela», a-t-il lancé en martelant la table de son poing.
Interrogé par Sputnik, Hakim Boughrara, professeur en sciences de l’information et analyste politique, estime que le chef de l’État faisait référence à Mohamed Larbi Zitout et Amir Boukhors, dit Amir DZ, deux Algériens installés en Europe qui publient régulièrement des vidéos contre Alger.
«J’ai suivi Amir DZ et Zitout ces derniers jours et il est vrai qu’ils ont accusé l’armée et les autorités d’avoir provoqué ces feux de forêt en Kabylie afin de punir cette région pour ses positions politiques. Le Président considère qu’ils profitent de la situation pour attiser le sentiment de division», note Hakim Boughrara.
Organisations terroristes
C’est en abordant l’affaire du jeune Djamel Bensmaïl, qui a trouvé la mort mercredi 11 août, lynché à Larbaâ Nath Irathen, qu'Abdelmadjid Tebboune s’est montré le plus explicite. Il a clairement pointé du doigt les islamistes du Mouvement Rachad, proche des Frères Musulmans*, et les séparatistes du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) comme profitant de ce drame pour semer la division.
«Certaines personnes émettent des doutes. C’est l’enquête de la justice qui dévoilera la vérité dans l’assassinat du jeune qui a été tué à Larbaâ Nath Irathen. Mais ce n’est pas le travail des enfants de Tizi Ouzou ou de Larbaâ Nath Irathen. Nous ne devons pas profiter de ce contexte pour tomber dans le piège de deux organisations terroristes qui exploitent cette affaire pour porter atteinte à l’unité nationale», a indiqué le Président.
Il s’avère que Rachad et MAK sont inscrits sur la liste des organisations terroristes instituée par le gouvernement algérien au mois de mai 2021. Notons que Mohamed Larbi Zitout et Amir Boukhors sont considérés comme des militants actifs de Rachad et sont poursuivis pour atteinte à l'ordre public et la sécurité et la stabilité de l'État suite à une procédure engagée par le parquet du tribunal de Bir Mourad-Raïs en mars 2021.
Le lynchage de Djamel Bensmaïl «est une affaire très sensible. En sa qualité de premier magistrat du pays, le chef de l’État doit aborder ce dossier en prenant soin de préserver le secret de l’instruction», note Hakim Boughrara.
L’analyste politique estime toutefois qu’au-delà des accusations et menaces, le discours visait surtout à expliquer à l’opinion publique que les services de sécurité sont engagés dans la lutte contre les réseaux de pyromanes.
«Il a précisé que les autorités ont interpellé 22 personnes suspectées d’avoir provoqué les incendies à travers tout le pays, dont 11 dans la région de Tizi Ouzou. C’est une façon de répondre aux accusations qui circulent sur les réseaux sociaux selon lesquelles l’État n’est pas intervenu pour faire la lumière sur cette crise», relève Hakim Boughrara.
L'analyse considère cependant que ce discours «intervient en retard», soit trois jours après le début des incendies qui ont ravagé le nord du pays, et principalement la région de la Kabylie. «En temps de crise de grande envergure, le chef de l’État est tenu de réagir dès le premier jour. Nous l’avons vu récemment avec le Premier ministre grec et le Président turc qui géraient personnellement la lutte contre les incendies et s’adressaient régulièrement à l’opinion publique», dit Hakim Boughrara en reconnaissant qu’en Algérie la communication institutionnelle est d’un «niveau très faible».
*Organisation terroriste interdite en Russie