Commentant la récente loi hongroise interdisant «la promotion» de l'homosexualité auprès des mineurs, Emmanuel Macron a fait le constat d’«une montée d’illibéralisme» dans certains pays européens. Selon le dirigeant français qui s’est exprimé sur le sujet lors d’une conférence de presse tenue le 25 juin à l’issue du sommet de l’UE, la loi en question «a légitimé pleinement l’homophobie» en Hongrie, ce qui va à l’encontre des valeurs européennes.
D’après le Président, le problème que l’adoption de cette législation a mis à nu est plus profond qu’il ne le paraît au premier regard: il ne concerne pas des leaders politiques, mais les sociétés dans lesquelles de tels dirigeants ont été démocratiquement élus.
«Ce n’est pas un problème de Viktor Orban. […] C’est un problème plus profond. Il y a une montée d’illibéralisme dans des sociétés qui se sont battues contre le communisme, qui en sont sorties. Qui ont ensuite rejoint l’économie libérale puis l’Union européenne et qui aujourd’hui sont en train d’être attirées par des modèles de sociétés, les modèles politiques qui sont contraires à nos valeurs. C’est une réalité», a déclaré le chef de l’État français avant d’appeler les Européens à «poser une question sur nous-mêmes».
«Depuis des décennies, nous pensons que la démocratie libérale est un modèle tellement attractif que les gens y viennent spontanément […]. Quelque chose s’est enraillé qui fait qu’aujourd’hui dans nos sociétés les gens disent: "bah, je prends le supermarché, mais j’adhère plus aux valeurs"», s’est-il étonné.
Division ouest-est
Répondant à la question d’un journaliste qui évoquait la division ouest-est au sein de l’UE, mise en avant par la réaction de certains pays à la loi adoptée le 15 juin par le parlement à Budapest, Emmanuel Macron a confirmé qu’une telle division est «tout à fait réelle».
«Les Européens se sont montrés unis […]. Quand on se retrouve, tous à l’exception de deux, à dire clairement les choses, il n’y a pas de grande nouveauté dans la salle. Et il n’y a aucune complaisance», a mis en relief le Président avant de préciser qu’officiellement la Hongrie n’a été soutenue que par deux pays-membres, à savoir la Pologne et la Slovénie.
Alors que 17 pays-membres de l’UE ont réagi à cette loi dans une note commune prise à l’initiative de la Belgique, en dénonçant «une forme flagrante de discrimination fondée sur l'orientation, l'identité et l'expression sexuelles et mérite donc d'être condamnée», neuf États, dont, entre autres, la Pologne, la Slovénie, la Slovaquie et la République tchèque -tous des membres qui ont rejoint l’UE lors de l’élargissement de 2004- ne l’avaient pas fait. En revanche, seulement trois pays de l’est, les trois pays baltes, ont signé la note.
Pour Emmanuel Macron, la question clé et «existentielle» est de savoir «comment des peuples» au sein de l’Europe «en arrivent là».
Comment le «combattre»?
Tandis que le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a proposé à la Hongrie de réfléchir sur l’éventuelle sortie de l’Union, vu que le pays ne partage pas les valeurs européennes, Emmanuel Macron s’est prononcé contre une telle solution. Selon lui, dans ce cas, la stratégie d’«exclusion» ou de «stigmatisation» ne fonctionne pas, le problème, qui par ailleurs exige une analyse détaillée, étant «plus profond».
«Si nous ne faisons pas une analyse claire consciente et en profondeur de ce qui s’est passé dans les sociétés post-communistes qui ont rejoint l’Union européenne, on n’aura pas la réponse», a-t-il déclaré.
Déplorant que les mécanismes existants au sein de l’UE ne permettent pas de résoudre le problème «profondément» politique lié aux valeurs et qu’à l’heure actuelle Bruxelles ne dispose pas de «stratégie» pour trouver une réponse, Emmanuel Macron appelle à en développer une.
«Ce n’est pas une question de traité, ce n’est pas une question d’argent. […] On doit, nous, réengager un travail avec des intellectuels, des sociétés civiles et expliquer, peut-être être beaucoup plus présent dans la presse de ces pays, peut-être apporter des démonstrations plus fortes, mieux soutenir celles et ceux qui défendent les idées européennes», a estimé le dirigeant français.
«Il faut être dur avec les dirigeants et convaincants avec les peuples», a-t-il conclu.