La Chine et la Russie, «axe du Mal» désigné par Biden : «L’Otan est une organisation en recherche d’une cause»

© AFP 2024 BRENDAN SMIALOWSKIJoe Biden devant l'US Air Force
Joe Biden devant l'US Air Force - Sputnik Afrique, 1920, 11.06.2021
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Sa tournée européenne est l’occasion de montrer l’unité des démocraties occidentales face à la Russie et la Chine, a proclamé Joe Biden. Alors que le sommet de l’Otan est prévu pour lundi, Gérald Olivier remet en question l’existence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.

Devant les caméras de Sputnik, Gérald Olivier, spécialiste des États-Unis à l’Institut prospective & sécurité en Europe (IPSE), ne mâche pas ses mots contre l’Otan. L’Alliance Atlantique se réunit le 14 juin à Bruxelles, après la tenue du sommet du G7 qui débute ce 11 juin en Grande-Bretagne.

«En 1991, en toute logique, l’Otan aurait dû être dissoute. Cela n’a pas été le cas et depuis, l’organisation est devenue le bras armé des démocraties occidentales. […] Aujourd’hui, l’Otan a besoin d’adversaires présents pour justifier la poursuite de son existence.»

Joe Biden a répondu au souhait de l’Otan en trouvant des adversaires bien utiles contre lesquels il martèle son ambition «de mobiliser les démocraties du monde entier», dans une tribune publiée dans le Washington Post. Le chef de l’État américain se pose ainsi en acteur central de ce qu’il présente comme un bras de fer idéologique face aux «autocraties», Chine en tête, mais aussi la Russie, dont il rencontrera le Président Vladimir Poutine à Genève le 16 juin.

Lignes rouges – Jean-Baptiste Mendes reçoit Gérald Olivier, spécialiste des États-Unis à l’Institut prospective & sécurité en Europe (IPSE) et auteur de «Sur la route de la Maison-Blanche» (Éd. Jean Picollec).

Une fabrication de l’ennemi bien utile?

Pour Gérald Olivier, les missions de l’Otan auraient dû être «révisées il y a bien longtemps».

«Tout ce qui s’est passé après l’implosion de l’URSS a été d’empêcher la reconstruction de cette union et le renforcement de la Russie en mettant immédiatement autour d’elle une ceinture de pays, les pays baltes, la Pologne, et d’autres défendus par l’Otan. À partir de là, ces pays devenaient totalement intouchables, voire interprétés comme une menace par la Russie.»

«L’Otan est une organisation en recherche d’une cause», renchérit le chercheur de l’IPSE. Justement, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, en a trouvé une. Il a affirmé que le rapprochement entre la Russie et la Chine faisait naître de «nouveaux dangers» pour l’Alliance Atlantique et constituait une «menace» pour le multilatéralisme. Du pain bénit pour Joe Biden qui souhaite à tout prix faire savoir «clairement à Poutine et à la Chine que les États-Unis et l’Europe sont soudés» avant de s’envoler vers le Vieux Continent. L’alliance des démocraties occidentales face à l’axe russo-chinois, telle est la nouvelle guerre froide proposée par Washington. Un conflit pourtant réfuté. Pékin a appelé l’Otan à «abandonner sa mentalité de guerre froide» afin de «soutenir davantage la paix et la stabilité internationale».

Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, a notamment estimé dans L’Opinion que l’Alliance Atlantique «n’a pas à se transformer en machine opérationnelle antichinoise». Si l’Otan n’est pas encore employée à grande échelle dans l’Indopacifique, c’est bien au travers du Quad (Quadrilateral Security Dialogue) que des exercices militaires ont lieu, notamment dirigés par les États-Unis contre la Chine.

Les États-Unis en première ligne

Dès son investiture, le locataire de la Maison-Blanche s’en est tour à tour pris à la Chine et à la Russie, le nouvel «axe du Mal». «Si on ne fait rien, ils mangeront notre repas», s’inquiétait-il en février après un entretien téléphonique avec Xi Jinping. Avec l’invitation de l’Australie, de la Corée du Sud et de l’Inde au G7, Joe Biden bat le rappel des démocraties du monde entier pour former un front uni contre la Chine, «puissance montante du XXIe siècle» et principal «rival américain». En mars, celui-ci accusait explicitement Vladimir Poutine d’être un «tueur». Si le Président américain a prévu de rencontrer son homologue russe le 16 juin, les échanges risquent d’être houleux. Au forum de St-Pétersbourg, le chef de l’État russe a jugé les relations bilatérales d’un «niveau très mauvais», ajoutant que celles-ci étaient «l’otage de considérations politiques internes aux États-Unis». Ce en quoi il est rejoint par Gérald Olivier:

«Il existe aux États-Unis un complexe militaro-industriel qui a un intérêt à maintenir une relation d’hostilité non ouverte avec la Russie.»

Et pour ce faire, Washington a clairement «besoin de l’Europe pour appuyer ses positions sur la Russie et la Chine», poursuit-il.

Les Européens derrière les USA?

Les Européens ne devraient pas résister à la tentation manichéenne. Ils se sont même précipités pour imposer à Pékin au mois de mars leurs premières sanctions depuis 1989, accusant des responsables du Xinjiang de «graves atteintes aux droits de l’homme». Moscou n’a évidemment pas été épargné en février par de nouvelles mesures unilatérales de Bruxelles consécutives à l’affaire Navalny. Des Européens qui dépendent de Washington pour «assurer leur défense» à travers l’Otan.

«Un certain nombre de pays européens l’ont parfaitement compris et se reposent entièrement dessus. Cela va des bases militaires américaines en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale au comportement de la Pologne depuis la fin de l’Union soviétique. Varsovie a rejoint l’Union européenne et profite des subsides de Bruxelles, mais achète tout son appareil militaire, ses avions, aux États-Unis et pas à la France ni à la Grande-Bretagne.»

«Les Américains font la cuisine, les Européens font la vaisselle», résumait cruellement le néoconservateur Robert Kagan, soulignant le déséquilibre stratégique transatlantique. Celui-ci n’avait pourtant pas tout à fait tort.

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