Israël-Palestine: «il y a un désir de rejouer le conflit dans les rues de Montréal»

© AFP 2024 COLE BURSTONDes manifestants agitent des drapeaux pour exprimer leur soutien au peuple palestinien, à l'hôtel de ville de Toronto à Toronto, Ontario, Canada, le 15 mai 2021.
Des manifestants agitent des drapeaux pour exprimer leur soutien au peuple palestinien, à l'hôtel de ville de Toronto à Toronto, Ontario, Canada, le 15 mai 2021.  - Sputnik Afrique, 1920, 25.05.2021
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Le nouvel épisode du conflit israélo-palestinien continue d’alimenter les tensions à Montréal. Plusieurs armes ont été saisies sur des manifestants pro-Palestine. Malgré le cessez-le-feu, la querelle pourrait-elle s’éterniser dans la métropole québécoise?

En dépit du cessez-le-feu du 21 mai entre Israël et la Palestine, le conflit israélo-palestinien semble s’être importé à Montréal. Le 22 mai dernier[JB1] , une nouvelle marche pro-Palestine a rassemblé des centaines de personnes devant les consulats généraux d’Israël et des États-Unis. Des projectiles ont été tirés vers les policiers. Des feux d’artifice et des fumigènes ont aussi été lancés par des manifestants. Les forces de l’ordre ont rapidement dû déclarer la manifestation illégale.

​Plusieurs rassemblements du genre ont eu lieu dans la métropole québécoise depuis la reprise du conflit. Chaque fois sont brandis des slogans tels que «Vive Gaza» et «Cessez l’occupation», mais d’autres, à l’instar de «Allah Akbar» et «Mort à Israël», peuvent aussi être entendus dans la foule. Le 16 mai, des manifestations simultanées pro-Palestine et pro-Israël ont donné lieu à d’importantes échauffourées entre des participants opposés.

Des tensions qui sont là pour rester

Directeur aux affaires publiques du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, à Montréal, David Ouellette, contacté par Sputnik, n’observe aucune accalmie dans la métropole. Au contraire, les prochains jours pourraient être le théâtre d’autres violences, surtout qu’une manifestation pro-Palestine est maintenant prévue chaque semaine, souligne notre interlocuteur:

«La semaine dernière, des manifestants ont initié une sorte de chasse aux Juifs en voiture dans les quartiers de la métropole comme Côte-Saint-Luc. Des vidéos et messages en témoignent sur les réseaux sociaux. Certains cherchaient le domicile d’une femme ayant pris la parole lors d’un rassemblement pro-Israël. […] On a franchi un seuil. Il y a un désir de rejouer le conflit dans les rues de Montréal», s’indigne David Ouellette. 

Plusieurs armes ont été saisies par les policiers sur des manifestants pro-Palestine. Des membres de la communauté juive se plaignent également de recevoir des insultes violentes et antisémites via les réseaux sociaux, ce que rapporte le Journal de Montréal.

Vague de menaces et d’insultes contre des Juifs

Une femme juive a dit avoir reçu des menaces de mort et de viol. Les autorités ont procédé à quelques arrestations d’individus soupçonnés d’avoir proféré ce type de provocations ou commis des actes haineux. Le service de police de la Ville de Montréal confirme que la communauté israéliste fait face à une recrudescence de la haine envers elle:

«Depuis les manifestations liées au conflit israélo-palestinien […], on voit une vague de messages haineux sur les réseaux sociaux. Des individus s’acharnent en cherchant les quartiers où il y a une forte présence de personnes de la communauté juive», a déclaré Danny Diotte, le chef du poste neuf de la métropole, au Journal de Montréal.

Selon David Ouellette, le Québec vit actuellement la même situation qu’avait commencé à connaître la France au début des années 2000. Les «dérapages violents et antisémites» recensés à Montréal seraient l’une des conséquences de la montée de l’islamisme radical:

«Le Québec atteint le point qu’avait atteint la France il y a vingt ans, au début de la seconde Intifada. Plusieurs agressions envers des citoyens juifs avaient été commises, surtout à Paris. […] On sait que certains jeunes issus de l’immigration maghrébine entretiennent un rapport conflictuel à l’État d’Israël. […] Il y a une radicalisation du mouvement pro-palestinien à Montréal», analyse-t-il.

Compte tenu de l’importance accordée à l’enjeu, des experts interrogés par les médias québécois estiment qu’il est «normal» d’assister à ce phénomène de polarisation à Montréal. C’est du moins le cas du professeur Sami Aoun, de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’Université du Québec à Montréal, qui rejette toutefois la violence.

​Au micro de Sputnik, l’avocat libéral Julius Grey conteste quant à lui la «thèse d’une montée fulgurante de l’antisémitisme en Amérique du Nord». Défenseur bien connu des droits individuels et figure de la communauté juive, il déplore plutôt les conséquences de la «politique identitaire»:

«Il est vrai que des slogans contre les Juifs ont été lancés durant des manifestations. En revanche, ces actes isolés et déplorables ne font pas du Canada et du Québec des États où l’antisémitisme a droit de cité. Il y a surtout une attitude identitaire de part et d’autre qui rime avec une loyauté aveugle envers son camp. Les gens impliqués ne sont plus capables de nuances», déplore-t-il.

L’avocat estime qu’il vaudrait mieux «chercher des solutions durables au conflit plutôt que des coupables». «Israël et le Hamas sont tous deux responsables de la nouvelle escalade des tensions, bien que la faute incombe davantage à Israël dans ce dernier développement. Mais à Montréal comme ailleurs, il est devenu quasi impossible de se détacher de cette vision identitaire d’un conflit présenté à tort comme insurmontable», précise Julius Grey.

Pour le directeur aux affaires publiques du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, les médias québécois font, dans leur ensemble, une «lecture manichéenne» du conflit. Ce genre de couverture à sens unique contribuerait à jeter de l’huile sur le feu:

«Israël sort amoindri de cette crise sur le plan de son image à l’échelle internationale. Dans le paysage médiatique québécois, il y a eu encore moins d’efforts que lors des conflits passés pour présenter les deux côtés de la médaille», conclut David Ouellette.
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