Variant indien: quels risques pour la France à l’heure de l’allègement des mesures sanitaires?

© AFP 2024 GEOFFROY VAN DER HASSELTJean Castex
Jean Castex - Sputnik Afrique, 1920, 30.04.2021
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Trois personnes ont été testées positives au variant indien en Nouvelle-Aquitaine. Ce qui porte à sept le nombre de contaminés par cette nouvelle souche du virus du Covid-19. À l’heure des dernières annonces du gouvernement précisant une sortie de crise progressive, ce nouveau variant risque-t-il de remettre en question ces dispositions?

Il est «probablement» sur notre sol. C’est en ces termes que la plupart des experts évaluaient ces dernières semaines la présence du variant indien du Covid-19 sur le territoire Français. Le probable est devenu certain. L’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine annonçait ce vendredi 30 avril l’identification de trois cas du variant indien dans la région, dont deux en Lot-et-Garonne, qui revenaient d’un voyage en Inde et ne présentent pas de «symptômes graves». Ce sont néanmoins dix cas contacts à risque qui ont été détectés et les autorités sanitaires devraient préciser en début de semaine prochaine s’ils ont été contaminés. La veille, deux autres cas avaient également été décelés, cette fois-ci dans les Bouches-du-Rhône. En dehors de la France métropolitaine, deux cas de variant indien avaient été identifiés dès le 21 avril en Guadeloupe. Ce qui porte à sept le nombre de contaminés par cette nouvelle souche du virus sur l’ensemble du territoire français.

Si le variant à l’origine de la quasi-totalité des contaminations  (82,7%) reste encore le britannique, l’incertitude plane sur le devenir du variant indien sur le sol français. Surtout au moment où est amorcé le plan de réouverture du pays par le gouvernement.

De Delhi à Paris?

Comme son nom l’indique, le variant indien –dénommé variant B. 1.617– est arrivé dans l’Hexagone à partir du continent indien. Le pays fait face depuis le début du mois de mars à une deuxième vague meurtrière avec un taux de contaminations record de 18.762.976 cas. Le variant indien est depuis accusé, en raison de sa contagiosité, d’être la cause de cette nouvelle poussée épidémique en Inde. Comme le rappelle néanmoins Santé publique France, il représente à l’heure actuelle moins de 20% des cas recensés dans le sous-continent. Même si tous les cas de ce pays, qui compte 1,4 milliard d’habitants, n’ont pas été détectés. 

Il est cependant assez contagieux pour se répandre un peu partout sur la planète. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le variant B. 1.617 a été identifié dans plus de 1.200 séquences de génome et dans «au moins 17 pays». 

«La plupart des séquences téléchargées sur la base de données Gisaid viennent d’Inde, du Royaume-Uni, des États-Unis et de Singapour», déclarait l’organisme dans son compte rendu hebdomadaire sur la pandémie.

Plusieurs pays européens, notamment frontaliers de France, ont déjà identifié certains cas –à l’exemple de l’Italie, de la Suisse ou de la Belgique. L’inquiétude de voir se propager ce variant sur le territoire français grandit, en particulier depuis les dernières détections annoncées ce vendredi par l’ARS. Une crainte qui s’explique en partie par la médiatisation mondiale de la situation dramatique indienne. Aux images des hôpitaux saturés, remplis de patients allongés à même le sol en raison de la pénurie de lits et d’oxygène, qui ont fait le tour du monde s’ajoutent désormais celles des incinérateurs à ciel ouvert à Delhi. 

Une situation sanitaire catastrophique qui ferait presque oublier que la présence du variant indien n’impliquerait pas nécessairement un avenir semblable en France. La catastrophe sanitaire qui frappe de plein fouet l’Inde s’explique déjà pour une grande partie par la légèreté des réglementations sanitaires prises et appliquées par les autorités du pays. Et ce malgré un confinement parmi les plus lourds au monde imposé à la population. À l’absence d’une solide réglementation, il faut ajouter un manque d’hygiène, une promiscuité dans certains quartiers défavorisés ou encore l’absence du respect des gestes barrières et de la distanciation sociale. Cette deuxième vague apocalyptique semble déjà s’expliquer par des comportements relâchés depuis le mois de janvier, notamment lors de récentes cérémonies religieuses qui ont réuni 4 millions de personnes dans le nord du pays.

Reste qu’à l’heure du relâchement des règles sanitaires en France, la contagiosité du virus et sa résistance aux anticorps posent problème.

Plus contagieux et plus résistant?

Le plan de réouverture du pays annoncé par Emmanuel Macron dès ce jeudi 29 avril dans Le Parisien implique un déconfinement, une réouverture des terrasses et des commerces, ou encore la fin du couvre-feu. Autant de mesures qui, comme le suspecte l’Institut Pasteur qui vient de publier ses dernières modélisations, pourraient provoquer une quatrième vague.

La variant indien inquiète en France - Sputnik Afrique, 1920, 21.04.2021
Potentiellement plus dangereux, le variant indien sème déjà l'inquiétude en France
Ou tout au moins une circulation plus rapide du virus. Avec comme risque de voir, dans cette configuration, le variant indien échapper au contrôle des autorités sanitaires. La contagiosité de cette nouvelle souche est encore l’objet des échanges entre épidémiologistes et virologues.

Interrogé par Sputnik, le directeur de recherche et spécialiste des virus émergents au CNRS Étienne Decroly faisait part des incertitudes de la communauté scientifique quant à la structure génomique du virus. Les mutations de la protéine Spike du variant, qui agit sur la transmissibilité ou la résistance aux anticorps du virus, sont scrutées de près par les experts. 

Les modélisations récentes de l’OMS, elles, indiquent que «le B.1.617 a un taux de croissance plus élevé que les autres variants en circulation en Inde, ce qui suggère une plus grande contagiosité». 

Une caractéristique qui n’a pas encore été confirmée, toujours en raison de l’insuffisance de données. Parmi les rares documents scientifiques disponibles, une étude prépubliée par le serveur bioRxiv par les scientifiques de l’Institut national de virologie de Pune conclut à l’affaiblissement des anticorps neutralisants par les mutations du variant indien. Santé publique France évoquaient déjà la possibilité que ces mutations puissent provoquer «un échappement immunitaire» de ce virus et donc lui permettent de résister aux anticorps produits par une personne déjà contaminée ou vaccinée. 

Ce que confirmait aussi le ministre de la Santé Olivier Véran ce vendredi 30 avril sur FranceInfo en déclarant: «Nous ne connaissons pas encore l’efficacité des vaccins sur ce variant.» 

Une potentielle résistance aux vaccins qui a de quoi inquiéter les autorités sanitaires en Europe. Particulièrement en France, où la vaccination généralisée est présentée comme la seule solution de sortie de crise par le gouvernement. Reste qu’il s’agit toujours de suppositions et que la situation sanitaire française n’est pas identique à celle de l’Inde. D’ailleurs, l’OMS classifie ce variant comme un «variant d’intérêt» et non comme «un variant préoccupant», c’est-à-dire plus contagieux et plus dangereux. 

Les variants sud-africain et brésilien, présents sur le territoire français depuis plusieurs semaines et qui ont eux aussi suscité bien des inquiétudes, ne représentent toujours, malgré quelques hausses dans certains départements, que 5% des contaminations à l’échelle nationale.

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