À douze mois de l’élection présidentielle, une étude de la Fondation Jean-Jaurès dégage les contours de l’électorat du RN. Signés Jérôme Fourquet, ces travaux retracent trente ans de vie politique et montre une évolution chez les électeurs de Jean Marie puis de Marine Le Pen.
Le parti, qui stagnait encore à 14,4% à la présidentielle de 1988, a notamment consolidé son audience dans les milieux populaires, rapporte l’étude. Le vote des employés et des ouvriers a en particulier explosé, passant respectivement de 14% et 17% en 1988 à 30 et 39% en 2017.
Jérôme Fourquet explique ce bond par le fait que ces catégories populaires sont «davantage exposées à la délinquance et plus souvent en contact avec les populations issues de l’immigration», ce qui les rend plus réceptives au discours du RN. Le parti a également repris le rôle de «tribun de la plèbe», jadis assumé par le Parti Communiste.
Le RN a également gagné des voix chez les moins diplômés, d’un niveau Bac ou inférieur. En 2017, seuls 8% des électeurs possédant un diplôme supérieur à Bac+2 avait voté pour Marine Le Pen, rappelle l’étude. Mais ce constat était déjà valable lorsque son père concourait pour la présidence (7% chez les diplômés supérieurs Bac+2 en 1988).
Âge et sexe
L’étude revient sur l’évolution de l’âge des électeurs RN. Un facteur qui intéresse de plus en plus les responsables politiques, à en croire la campagne controversée pour les régionales d’EELV, tapant sur les «boomers».
Jérôme Fourquet note que le RN séduit aujourd’hui les «tranches d’âge intermédiaires», comprise entre 25 et 64 ans. Les plus jeunes et surtout les plus âgés sont moins tentés de voter Marine Le Pen. Une audience «en forme de cloche» donc, qui s’est dessinée en 2002 et n’a cessé de se confirmer par la suite.
Ces classes d’âges fournissent le gros des actifs et possèdent souvent des enfants à charge, ce qui accentue la pression économique sur leurs épaules, explique le directeur du département Opinions de l'Ifop pour éclairer ce phénomène. Le «discours anti-assistanat» du RN peut également séduire les électeurs de ces tranches d’âges, eux qui supportent le poids de l’impôt parfois «sans en tirer beaucoup de bénéfice», ajoute l’expert.
Pour conclure, l’étude met également l’accent sur la féminisation de l’électorat RN. L’écart entre électeurs hommes et femmes, qui était de 7 points pendant les années Jean-Marie Le Pen, s’est en effet résorbé. L’arrivée de Marine Le Pen a fait sauter le «verrou», autant par le fait qu’elle soit une femme que par ses positions plus souples sur des sujets comme l’IVG, précise Jérôme Fourquet.
La chef de file du RN devra désormais défaire d’autres résistances chez les retraités ou les diplômés du supérieur si elle veut «amplifier sa progression», conclut l’étude.
Mi-avril, un sondage Ifop-Fiducial situait Marine Le Pen entre 25 et 27% des intentions de vote pour le premier tour de la prochaine présidentielle, en fonction du candidat de droite. Elle concurrençait ainsi Emmanuel Macron, dont le score était estimé entre 24 et 27%.