Pointée du doigt pour sa gestion de la crise sanitaire, l’UE s’attire les critiques de ses administrés y compris en France, a admis Michel Barnier lors d’un colloque au Touquet.
L’ancien négociateur du Brexit côté bruxellois craint le ras-bol des Français face à une Europe jugée trop «bureaucratique», mais également défaillante en matière d’immigration et de contrôle des frontières. Une «colère sociale» qui réveille les envies de Frexit dans certaines régions, selon l’ancien ministre.
«On peut se demander pourquoi dans certains cas, une majorité de citoyens votent contre Bruxelles, au point de vouloir quitter l’UE, non seulement au Royaume-Uni, mais ici en France, dans les régions du nord ou de l’est […]. Nous pourrions tirer les leçons du Brexit pour nous-mêmes. Il est trop tard pour le Royaume-Uni mais pas pour nous», a déclaré Michel Barnier lors de ce colloque.
L’ancien ministre a souligné qu’il importait de «comprendre pourquoi» les Britanniques avaient voté à 52% en faveur d’une sortie de l’UE, afin de mieux «rassurer» les Européens restants. Outre la gestion des flux migratoires, Michel Barnier a également pointé du doigt les «dérives de la mondialisation» et la ligne économique «souvent ultra-libérale» de l’Europe.
Alors que le Vieux Continent reste tributaire des livraisons de vaccins anti-Covid étrangers, comme le prouve le déploiement retardé de la préparation de Johnson & Johnson, l’ancien Monsieur Brexit a préconisé d’accentuer les efforts de recherche et de production dans le domaine de la santé.
Le risque d’être «exclue de la table»
Michel Barnier a également insisté sur la nécessité pour les Européens de peser «ensemble» à la table des négociations, dans un monde où la géopolitique s’est redessinée. Le responsable a mis l’accent sur l’émergence de nouvelles puissances, avec lesquelles l’UE doit désormais composer.
«Des pays ont fini d’émerger et sont autour de la table, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie. De grands pays continents, qui ont suffisamment de ressources, d’espace, de population pour compter tout seul et participer à l’ordre ou au désordre du monde. La question pour l’Europe est "comment fait-on à cette table?". Comment défend-on nos intérêts, nos valeurs, sans complexe?», a déclaré Michel Barnier au Touquet.
L’ancien ministre a souligné le risque pour l’Europe d’être «exclue» de cette grande table et de devenir le «sous-traitant» de ces nouveaux acteurs qui «ne demandent plus la permission» pour s’affirmer.
Pour «remettre l’Europe dans le bon sens», Michel Barnier a donc appelé la France à assumer ses responsabilités et à sortir de la «naïveté européenne», durant le premier semestre 2022, où elle assurera la présidence de l’UE.