Pour le député de La France insoumise François Ruffin, les mots «stratégie» et «gouvernement» ne vont pas de pair. Interrogé samedi 3 avril par un journaliste de BFM TV sur la «stratégie du gouvernement», à savoir les nouvelles mesures prises par les autorités afin de freiner la troisième vague de l’épidémie de Covid-19, le député de la Somme, participant à une marche en soutien au monde du travail et de la culture à Dieppe en Seine-Maritime, répond qu’il n’en voit «aucune».
- Qu’est-ce que vous pensez de la stratégie du gouvernement pour faire face à cette épidémie? […]
- La quoi?
- La stratégie du gouvernement face à l’épidémie?
- Vous avez dit la quoi?
- La stratégie… En tout cas ce que le gouvernement expose comme sa stratégie, vous avez bien compris…
Désolé, en langage courant on appelle ça un génie 😂 merci @Francois_Ruffin pic.twitter.com/gjnMeuZTHZ
— Avec Ruffin ! ✊🏼 (@AvecRuffin) April 6, 2021
«Excusez-moi, mais "stratégie" et "gouvernement", c'est un oxymore parfait! Depuis un an, ce n’est pas de la stratégie, c’est du zigzag. C’est on avance, on recule, on confine, on déconfine, on redéconfine. On couvrefeuise à 20 heures, on couvrefeuise à 18 heures, on reconfine», expose M.Ruffin.
«C’est du grand n’importe quoi qui dure et sans aucune stratégie», conclut-il.
«Oui, mais les doses?»
Évoquant la vaccination en France, avec notamment des «vaccinodromes géants» et les dentistes, les pharmaciens et «même les vétérinaires» qui «vont pouvoir piquer», le député met en exergue un problème que le gouvernement ne semble pas avoir pris en compte.
«Oui, mais les doses? Vous avez pensé aux doses? Et on a un problème, c’est qu’on n’a pas les doses», explique-t-il à la chaîne de télévision.
Selon le calendrier de vaccination annoncé par le gouvernement, 30 millions de Français doivent avoir été vaccinés d’ici l’été. D’après le site service-public.fr, à partir du 15 mai, la vaccination doit être ouverte aux personnes âgées de 50 à 59 ans et, à compter du 15 juin, la cible sera élargie aux autres tranches de la population majeure. Il est à noter que le respect des objectifs fixés dépend largement des engagements contractuels des fabricants de vaccins, surtout vu les retards de livraisons par AstraZeneca. Sans ces derniers, par exemple, indique la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, interrogée par l’AFP, les taux de vaccination dans l'UE «auraient pu être presque deux fois plus élevés».
Et si on levait des brevets?
En continuant sur la politique de vaccination en France, M.Ruffin aborde par ailleurs le sujet de la «levée des brevets», un outil allant, certes, à l’encontre des principes de protection des droits de propriété intellectuelle, mais permettant de produire des vaccins en masse, y compris dans des pays non-concepteurs.
«Le gouvernement ne se décide même pas à demander la levée des brevets à l’Organisation mondiale du commerce», lance l’homme politique.
Une hausse des doses disponibles pourrait en effet accélérer la vaccination. À l’ère de la pandémie, cette problématique, débattue au sein de l’OMC depuis des mois, a une portée mondiale. Début mars, l’Afrique du Sud et l’Inde, le plus grand producteur de vaccins au monde, ont proposé à l’OMC de lever le brevet sur la substance médicale précieuse, ainsi que sur d’autres médicaments contre le Covid-19. Pourtant, les pays occidentaux s’y sont opposés arguant, entre autres, que le respect des droits de propriété intellectuelle encourageait la recherche et l’innovation.
«On patine, on attend depuis des mois simplement parce qu’on se refuse à mettre en place une industrie de guerre […]. L’industrie n’est pas amenée à produire des vaccins alors que, pendant la guerre l’industrie était amenée à produire des obus et ainsi de suite», précise François Ruffin au micro de BFM TV.
L’homme «qui décide seul»
C’est surtout la manière dont la crise sanitaire est gérée qui inquiète le député. Selon lui, tous les pouvoirs sont accumulés entre les mains du Président de la République.
«On est joueur, mais on en a marre de jouer à Manu a dit. Manu a dit on ferme les écoles. Manu a dit on rouvre les écoles. Manu a dit couché à 18 heures, Manu a dit pas plus de six à table…», s’emporte M.Ruffin, interrogé par BFM TV.
«Il y a peut-être d’autres manières dans un grand pays comme le nôtre de gérer une crise sanitaire que par tous les pouvoirs rassemblés entre les mains d’un seul homme.»
La même idée est d’ailleurs réitérée par le parlementaire dans une nouvelle interview au Monde, parue ce mercredi 7 avril, à l’occasion de la sortie du nouveau livre du député intitulé Leur progrès et le nôtre. Évoquant «les ordres et les contre-ordres», le député exprime son indignation quant aux restrictions des libertés changeantes.
«Cet homme, Macron, qui décide seul, pour toute la France, ce n’est plus tolérable. Je ne le supporte plus […]. Mon inquiétude, c’est que le Covid-19 n’est qu’une amorce des prochaines crises que nous devrons traverser. Si notre premier réflexe est de passer la démocratie par-dessus bord, de laisser tout pouvoir à un seul homme, je refuse cette pente», déclare-t-il sur les pages du quotidien.