Gérard Darmon a provoqué lundi 5 avril une vive polémique après avoir publié sur Instagram un cliché de lui peint en noir pour son rôle d’Othello, personnage de Shakespeare qu’il incarne dans la série Capitaine Marleau.
gerard darmon fait un blackface
— jojo (@asaptulipe) April 5, 2021
gerard darmon a derriere lui 40 ans de métier, 40 ans de management, 40 ans de plateaux télé où il sait quoi dire, où tous ses propos sont méticuleusement choisi
il sait EXACTEMENT l’ampleur de ce qu’il a posté et lui-même le dit en commentaire💀 pic.twitter.com/amAJ6oFRjF
À cause de son blackface, pratique consistant à se maquiller en noire, le comédien de 73 ans s’est retrouvé sous le feu des critiques, certains de ses abonnés allant jusqu'à l’accuser de racisme.
Pour se défendre, Gérard Darmon a énuméré plusieurs acteurs, à savoir Laurence Olivier, Orson Welles, Pierre Brasseur (le père de Claude), qui ont tous interprété Othello avec un blackface.
«Calmez-vous, ne me faites pas ce procès et s'il vous reste un peu de temps, (re)lisez Shakespeare. Je suis un acteur libre et si un jour je veux faire un biopic sur Mao Tse Tung, je le ferai», s'est-il insurgé en commentaire sous sa propre publication qu'il a depuis supprimée.
Une pratique raciste en France?
L’auteur, réalisateur, journaliste et écrivain ivoirien, Serge Bilé a indiqué dans son livre La France et le blackface que le vaudeville français n’a rien à envier aux ménestrels des shows américains, affirmant que ce grimage en noir a été utilisé pour «se moquer des Africains, chosifiés par l’esclavage, stigmatisés pour leur couleur, ridiculisés au théâtre».
C’est «assurément un moyen de faire rire au détriment des Noirs», écrit l’auteur cité par le Huffpost.
«Pourquoi grimer Othello en noir?»
La question sensible du blackface à l’opéra semble avoir pris un tournant du côté des États-Unis. Ainsi, après que l’English National Opera a donné une représentation d’Othello sans maquillage en 2014, le Metropolitan Opera de New York a fait de même en 2015 pour la première fois depuis 1891, tout comme l’Opéra Bastille de Paris en 2019.
«Pourquoi grimer Othello en noir, lorsque l'on n'a jamais jugé nécessaire de grimer en blanc Leontyne Price dans la Tosca ou Jessye Norman dans Ariane à Naxos? Le problème du grimage ou non-grimage des acteurs et des cantatrices se loge en réalité ici: l'homme blanc est toujours le personnage par défaut», expose Laure Murat, professeure au département d'études françaises et francophones et directrice du Centre d'études européennes et russes à UCLA, dans une chronique de Libération publiée en avril 2019.
Elle dénonce ainsi une «étrange infirmité que ce daltonisme à sens unique» appelé «color blindness» et consistant à «ne pas prendre en compte les différences de couleurs de peau… sauf, apparemment, lorsqu'il s'agit de personnages noirs ou asiatiques».