La fermeté du Niger contre le dialogue avec les terroristes «ne pourra qu’évoluer»

CC BY-SA 2.0 / Roland Huziaker / NiameyNiamey (archive photo)
Niamey (archive photo) - Sputnik Afrique, 1920, 31.03.2021
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À une semaine de son investiture, le nouveau Président élu du Niger Mohamed Bazoum s'est montré opposé à toute possibilité de dialogue avec les terroristes. Mais cette position risque bien d’être réétudiée, selon un spécialiste de la région joint par Sputnik.

Le nouveau Président élu du Niger Mohamed Bazoum reste campé sur sa position de ne pas dialoguer avec les terroristes qui sévissent dans la région des trois frontières (entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso) et qui ont causé au cours des trois derniers mois la mort d’au moins 300 civils.

Dans une interview accordée à RFI et France 24 ce lundi 29 mars, soit à une semaine de son investiture prévue pour le 07 avril prochain, Bazoum a soutenu que la situation au Niger est «très différente» de ce qui se passe dans les deux pays voisins (le Mali et le Burkina Faso) où les autorités sont favorables à un tel dialogue. 

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Bazoum justifie l'inopportunité du dialogue par le fait qu'aucun chef djihadiste n’est Nigérien, qu'aucun groupe armé n’a de «base» sur le territoire nigérien. Mieux encore, poursuit-il, il n’y a jamais eu de «déclaration d’un acteur majeur qui fasse allusion au Niger, ou à la gouvernance dans ce pays qui poserait quelque problème que ce soit».

Ceux qui orchestrent des attaques contre les civils au Niger, affirme Mohamed Bazoum, viennent du Maghreb, «sont à la tête de l’État Islamique* au Grand Sahara et font le djihadisme au Mali, principalement».

«Et puisqu’il n’y a pas de Nigériens avec lesquels nous pouvons discuter, la question pour nous ne se pose pas. Il ne faut pas comparer notre situation avec celle du Mali, par conséquent» a déclaré Mohammed Bazoum.

Pourtant, du point de vue de plusieurs experts qui ont commenté l’actualité au Niger pour Sputnik ces derniers mois, les récentes attaques de grande envergure menées contre les civils poursuivent pour objectif d'amener le nouvel exécutif au dialogue. C'est notamment l'avis du Dr. Moulaye Hassane, enseignant-chercheur à l'université Abdou-Moumouni de Niamey et chef du programme Lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent au Centre d'études stratégiques et de sécurité du Niger, ou encore d'Emmanuel Dupuy, président du think tank Institut Prospective et sécurité en Europe (IPSE).

Dialoguer inévitablement

Contacté par Sputnik après cette sortie du nouveau Président du Niger, Dupuy trouve que la position de Mohamed Bazoum «semble être volontiers guidée par le soin de ne pas "heurter" la France», qui s'oppose, sur le principe, à tout dialogue avec les terroristes. Sauf que cette volonté affichée est appelée à évoluer.

«Je pense que la position de fermeté du nouveau Président nigérien Mohamed Bazoum, ne pourra qu’évoluer. Parce que si ses partenaires et voisins s’engagent dans un dialogue avec ces groupes armés, je ne vois pas comment il pourra résister seul» note-t-il.

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Cette position, poursuit-il, n’est autre que la «continuité» de celle toujours affichée par son prédécesseur, le bientôt ex-Président Mouhamadou Issoufou.

«Je pense que le Président Bazoum a besoin de prendre ses propres marques. Et d’une certaine façon, il a besoin, non pas de se distancer mais de se différencier un tout petit peu, par rapport à la position de son prédécesseur. Je ne dis pas de dialoguer sous la pression, mais inévitablement il va falloir qu’il le fasse» insiste Emmanuel Dupuy.

Des conflits intercommunautaires

Il soutient que l’argument de la non «nigérianité» des chefs djihadistes «ne tient pas, eu égard à l’endogénéisation des combattants, qui eux, sont bien Nigériens. Rien que ce dernier argument obligera, à un moment ou un autre, le nouvel exécutif à dialoguer.»

D'ailleurs, c’est même cette «exception nigérienne» en matière de dialogue qui pousse les groupes armés «à frapper plus fort depuis plusieurs semaines», avec le risque que la situation tourne en conflits communautaires.

«Tout le défi, pour nous, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas cette escalade» a souhaité, pour sa part, Mohamed Bazoum dans l'interview susmentionnée.

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Mais «les attaques sont justement menées dans ce sens-là» retorque Emmanuel Dupuy.

«Et si les massacres continuent, il y aura à défaut de conflits communautaires, une autre pression de la part des Nigériens eux-mêmes dans les zones où ont lieu les attaques, pour exiger du gouvernement la garantie de leur sécurité. Et visiblement, le Président Bazoum n’aura d’autres choix que de suivre la cadence» conclut-il.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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