«Si on ne fait rien, ils mangeront notre repas», a déclaré Joe Biden le 11 février, après son entretien téléphonique avec Xi Jinping. Un mois après ces propos alarmistes, la diplomatie américaine entamait ce 15 mars à Tokyo une tournée asiatique. Le 12 mars, le sommet en visio-conférence des pays du Quad (Quadrilateral Security Dialogue), Inde, Japon, Australie et États-Unis, s’inscrit dans cette dynamique.
Si la Chine n’a pas été explicitement citée dans la déclaration commune, Pékin est dans tous les esprits. La volonté affichée de promouvoir une région indo-pacifique «libre et ouverte», de «soutenir l'État de droit», «la liberté de navigation» et la «sécurité maritime», notamment en mer de Chine méridionale et orientale, illustre l’ambition de contenir à tout prix l’empire du Milieu. Les quatre pays sont même allés jusqu’à annoncer la production d’un milliard de vaccins contre le Covid-19 en Inde d’ici à 2022, première étape d’une contre-offensive vaccinale du Quad contre la Chine.
La Chine, «préoccupation majeure des quatre pays du Quad»
Il s’agit d’un «développement normal et logique», dans la mesure où ces pays sont tous «préoccupés par la montée en puissance de la Chine», explique le général (2S) Alain Lamballe, spécialiste de l’Asie du Sud au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) et contributeur de la lettre d’information stratégique Asie 21.
La Chine représente donc «la préoccupation majeure des quatre pays du Quad», les fédérant face à elle. Créée dans les années 2000, cette réunion informelle a été relancée par Donald Trump. L’ancien hôte de la Maison-Blanche souhaitait ainsi contrebalancer la puissance chinoise. En novembre 2020, les marines des quatre puissances ont même participé à des manœuvres militaires conjointes dans le golfe du Bengale. Signe de la priorité donnée à l’Asie, la réunion en visio-conférence du 12 mars dernier aura été le premier sommet multilatéral organisé par Joe Biden depuis son élection, et Yoshihide Suga, le Premier ministre japonais, sera, en avril, le premier dirigeant étranger à être reçu en personne par le Président américain. Quelle que soit la couleur de l’Administration, la continuité américaine vis-à-vis de Pékin semble indéniable:
«Sous Trump, la Chine était considérée comme un rival, comme un ennemi potentiel. C’est exactement la même chose avec Biden. Simplement, les méthodes sont moins brutales. Elles sont plus diplomatiques. Mais, en réalité, le président Biden est extrêmement ferme à l’égard de la Chine. On le voit précisément avec le Quad, qui est en train de prendre de l’ampleur.»
Dans une tribune publiée par le Washington Post, MM. Blinken et Austin, respectivement secrétaire d’État et ministre de la Défense des États-Unis, ont tenu un langage assez martial: «Notre force combinée nous rend plus forts quand nous devons repousser l'agression et les menaces de la Chine.» C’est dans cette perspective que les deux responsables américains débutent ce 15 mars un périple qui passe d’abord par le Japon puis par la Corée du Sud. Le chef du Pentagone a ainsi précisé souhaiter le renforcement de la coopération militaire dans la région pour créer une «dissuasion crédible» face à la Chine. Comme ça, c’est clair!
Face à la Chine, l’aide américaine à l’Inde
Pourtant, Alain Lamballe tempère ce que certains observateurs qualifient de «mini-Otan», en analysant le cas indien:
«Ce n’est pas du tout une mini-Otan, les Indiens n’en veulent pas. Les États-Unis cherchent sans doute à accroître leurs relations militaires avec l’Inde, mais l’Inde ne veut pas trop provoquer la Chine. C’est la raison pour laquelle elle a toujours refusé toute alliance.»
«Dans les dernières confrontations frontalières entre l’Inde et la Chine, les Américains ont fourni des renseignements à l’Inde», explique ainsi le général. Auparavant absents des achats d’armes indiens, les États-Unis sont aujourd’hui «extrêmement présents» sur le marché, tentant même d’évincer les fournisseurs traditionnels que sont la Russie et la France. «Il n’y a pas d’alliance, c’est vrai, mais ça y ressemble pas mal», conclut notre interlocuteur, qui évoque à l’inverse l’établissement entre la Chine et le Pakistan d’une alliance économique et militaire qui préoccupe New Delhi.