Vladimir Poutine n’a pas de raisons de contrôler en personne le respect des droits du blogueur Alexeï Navalny durant l’enquête et le procès judiciaire le visant, a déclaré ce mardi 19 janvier Dmitri Peskov, porte-parole du Président, commentant l’arrestation de M.Navalny à Moscou après son retour d’Allemagne où il avait suivi un traitement.
«Non, ce n’est pas une situation qui demande une attention spéciale du Président. Les droits de tous les citoyens russes sont garantis par les lois nationales et les institutions de contrôle russes, ce sera aussi le cas dans cette situation», a indiqué M.Peskov devant les journalistes.
Selon lui, le Kremlin n’a pas l’intention de prendre en considération l’opinion de la communauté internationale à ce sujet.
Les accusations des services pénitentiaires russes contre M.Navalny
Selon M.Peskov, le Service fédéral russe d’exécution des peines (FSIN) s’est montré très flexible à l’époque où Alexeï Navalny, condamné à une peine avec sursis en 2014, se trouvait à Berlin pour suivre un traitement médical à l’hôpital de la Charité. Toutefois, le FSIN a des questions à poser au blogueur depuis qu’il a officiellement quitté l’hôpital en octobre.
«Il n'y a aucune contradiction ici. Vous savez qu'à l'époque où M.Navalny était, au plein sens du terme, un patient à Berlin, le FSIN ne lui a posé aucune question et a fait preuve d'une flexibilité et d'une compréhension absolues», a noté M.Peskov.
En tant que condamné sursitaire, M.Navalny devait se faire enregistrer régulièrement auprès du FSIN. Après l’annonce par l’hôpital de la Charité de sa convalescence en octobre, il devait donc rétablir le contact avec ce service, ce qu’il n’a pas fait.
Si les juristes du blogueur ont des informations démontrant que la réhabilitation de M.Navalny a été plus longue, ils peuvent présenter ces documents lors du procès, a noté M.Peskov.
Le blogueur arrêté en raison des craintes de Poutine? «Absurde»
Prié de commenter les allégations selon lesquelles l'arrestation du blogueur était motivée par les craintes présumées de M.Poutine face à Alexeï Navalny, M.Peskov a appelé à ne pas faire l’amalgame entre le Président et la violation par le blogueur des lois russes.
«C’est complètement absurde. En général, il ne faut pas faire l’amalgame d’une manière ou d'une autre entre le Président et une violation des lois de la Fédération de Russie. Nous savons que le Service fédéral d’exécution des peines a des reproches [à faire à Alexeï Navalny, ndlr], certaines règles ont été violées […]. Comme il s’agit d’un citoyen russe qu’on accuse de ne pas avoir respecté les règles juridiques, cela n’a rien à voir avec le Président de la Russie», a rappelé M.Peskov.
Il a noté que, ces trois dernières années, les organes judiciaires russes avaient enregistré environ 18.000 violations des règles d’application de la peine avec sursis. À la question portant sur si les personnes coupables de ces violations ont été accompagnées d’une escorte policière pareille à celle qui a accueilli M.Navalny à l’aéroport, M.Peskov a répondu par l'affirmative.
«Oui, bien sûr, on a recherché ces personnes ou bien les a escortées, il y a eu des situations différentes. Si quelqu'un viole les règles, alors la police prend des mesures pour rétablir l'ordre public», a-t-il souligné.
Navalny incarcéré pour 30 jours
M.Navalny est rentré le 17 janvier en Russie d’Allemagne, où il avait passé cinq mois. Il a été interpellé dès son arrivée à l’aéroport Cheremetievo de Moscou.
Selon le Service russe d’exécution des peines (FSIN), M.Navalny avait plusieurs fois manqué de se faire enregistrer auprès du FSIN après l’annonce officielle de sa guérison, violant ainsi les conditions de sa libération avec sursis. Un tribunal russe a placé le blogueur en détention provisoire jusqu'au 15 février.
Après l’arrestation de M.Navalny, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et d'autres pays ont appelé la Russie à le libérer. Le ministre des Affaires étrangères Lavrov a alors déclaré que ces pays essayaient ainsi de détourner l'attention de la crise la plus profonde dans laquelle se trouve le modèle de développement libéral en Occident.
Un casier judiciaire bien rempli
En décembre 2014, Alexeï Navalny et son frère ont été reconnus coupables d'escroquerie aux dépens de la société française Yves Rocher et de détournement de plus de 30 millions de roubles (336.000 euros). Condamné à une réclusion de trois ans et demi avec sursis, le blogueur devait se faire régulièrement enregistrer auprès du FSIN. Mais après qu’il a six fois violé cette condition, le FSIN l’a mis sur la liste fédérale des personnes recherchées le 29 décembre.
Le casier judiciaire de M.Navalny contient en outre une condamnation avec sursis dans le cadre de l’affaire Kirovles, nom d'une entreprise de production de bois. Cette affaire porte sur la dilapidation de plus de 16 millions de roubles (180.000 d’euros).
Le 29 décembre, le Comité d’enquête russe a ouvert une autre enquête contre M.Navalny pour «escroquerie massive». La justice russe soupçonne le blogueur d’avoir dépensé à des fins personnelles 356 millions de roubles (quatre millions d’euros) de donations au Fonds de lutte contre la corruption (FBK) qu’il dirige.
M.Navalny se considère comme non coupable et estime ces poursuites judiciaires comme politiques.