Les services pakistanais ont-ils liquidé une opposante en plein Toronto?

© AFP 2024 RIZWAN TABASSUMKarima Baloch
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Indépendantiste baloutche installée au Canada après avoir fui le Pakistan, Karima Baloch a été retrouvée morte à Toronto. Selon Lateef Johar Baloch, avocat proche de la défunte, et Waleed Al-Husseini, essayiste palestinien réfugié en France, il est probable que le gouvernement d’Islamabad soit à l’origine de ce décès.

Le 21 décembre dernier, le corps de la militante Karima Baloch était repêché des eaux par les policiers de Toronto, mégalopole de la province canadienne de l’Ontario.

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Un véritable choc dans la communauté baloutche de Toronto, mais surtout au Baloutchistan même, région d’environ 500.000 km2 à cheval sur l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan. La partie pakistanaise du Baloutchistan, qui est de loin la plus grande, forme la province pakistanaise du même nom. 

Militante pour les droits des femmes et pour un meilleur accès à l’éducation, Karima Baloch figurait parmi les cent femmes les plus influentes du monde en 2016 selon la BBC, qui établit un palmarès annuel. La femme de 37 ans combattait également l’emprise de l’intégrisme islamique dans sa province.

Colère et indignation au Baloutchistan et dans la diaspora 

À la suite de l’annonce du décès de Karima, des veillées ont été organisées en son honneur à Toronto ainsi que de grandes marches de protestation au Baloutchistan, dans des villes comme Quetta.

​Interrogé par Sputnik, Lateef Johar Baloch, l’un des proches de Karima Baloch à Toronto, ne s’explique pas que les autorités policières aient conclu à une «mort non criminelle» et à un suicide. Avocat défendant la cause des droits de l’homme et une plus grande autonomie pour le Baloutchistan, Lateef Johar Baloch confirme qu’elle avait continué à recevoir des menaces de mort après son départ du Pakistan et son arrivée au Canada, en 2015. Quelques jours avant son décès, un inconnu a averti son mari qu’elle allait recevoir un «cadeau de Noël» dont elle se souviendrait. 

«Karima Baloch était un leader politique très connu et identifié depuis longtemps comme une dissidente par le pouvoir pakistanais. Des dizaines de nos amis proches et de militants ont déjà été agressés, assassinés ou sont portés disparus... Malgré tout, Karima avait toujours continué son travail. [...] Nous ne pouvons pas dire ce qui lui est arrivé, mais nous demandons au gouvernement canadien d’initier une enquête approfondie», insiste le coordonnateur du Conseil pour les droits de l’homme du Baloutchistan. 

L’une des revendications phares de Karima Baloch était une plus grande autonomie pour le Baloutchistan, avec pour objectif final l’accession à l’indépendance complète de la province pakistanaise. Elle dirigeait une importante organisation d'étudiants en faveur de cette cause. Abritant environ 13 millions d’habitants, soit 6% de la population totale du Pakistan, le Baloutchistan est reconnu pour être une région très instable politiquement. Cette zone de transit d’opium et d’armement est en proie à une agitation constante liée à un désir d’autonomie solidement ancré. Cinq guerres civiles ont éclaté dans la province pakistanaise depuis 1947, année de la partition de l’Inde. 

«Nous ne sommes jamais complètement en sécurité» 

Lateef Johar Baloch se dit «choqué et perturbé» par les événements, mais aussi inquiet pour sa propre sécurité au Canada, compte tenu de son engagement au côté de la défunte. 

«Les militaires et les extrémistes religieux pakistanais l’avaient en ligne de mire parce qu’elle défendait des valeurs plus libérales et laïques. [...] La thèse du suicide ne tient pas la route. Karima n’a manifesté aucun signe de dépression. [...] Les habitants du Baloutchistan ont un mode de vie plus laïc que celui des Pakistanais», explique l’avocat.

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Selon l’essayiste et fondateur du Conseil des ex-musulmans de France, Waleed Al-Husseini, il apparaît évident que Karima Baloch a été assassinée par un ou plusieurs agents pakistanais opérant au Canada. Palestinien, Waleed Al-Husseini a été emprisonné et torturé en territoire palestinien pendant dix mois pour avoir critiqué l'islam sur son blog. À sa sortie de prison, il a immigré en France en 2011 et y a obtenu le statut de réfugié politique en 2012.  

«Karima Baloch a sans doute été éliminée par le Pakistan pour ses idées. [...] En tant que réfugiés politiques opposés à l’intégrisme islamiste, nous ne sommes jamais complètement en sécurité dans nos pays d’accueil comme le Canada et la France. Nous sommes constamment menacés», déplore Al-Husseini à notre micro.

En mai 2020, le journaliste et militant pour les droits de l’homme Sajid Hussain a été retrouvé mort dans une rivière en Suède. Le fondateur du Balochistan Times s’était réfugié dans ce pays scandinave après avoir plusieurs fois été menacé de mort dans son pays, le Pakistan. Malgré l’autopsie, les autorités suédoises n’ont pas pu déterminer avec exactitude ce qui lui était arrivé. Selon Waleed Al-Husseini, le lien est «évident» entre la mort de Karima Baloch et celle de Sajid Hussain:

«Aucun doute. Karima Baloch et Sajid Hussain partageaient les mêmes idées et le même combat, d’autant plus que le modus operandi est similaire», observe-t-il.

Malgré l’hypothèse d’une violation grave de la souveraineté du Canada par des agents pakistanais, Ottawa n’a émis aucun commentaire sur cette affaire. 

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