Alors que le monde entier se penche sur la mise au point d’un vaccin contre le Covid-19, certains scientifiques avertissent que l’efficacité de celui-ci pourrait diminuer en cas d’évolution rapide du coronavirus. Ainsi, une version mutée du virus, N439K, qui a commencé à circuler dès l’été 2020 en Écosse a été découverte par la suite en Europe continentale et aux États-Unis de manière indépendante.
«Il y a énormément de Sars-CoV-2 qui circulent dans le monde, et donc énormément de mutations, déclare François Balloux, professeur de génétique à l’University College de Londres, cité par Le Figaro. Mais aucune mutation n’a donné un avantage réplicatif évident […] Selon nos travaux, elle semble plutôt avoir bénéficié d’un contexte favorable.»
Le trait particulier de la mutation N439K est de toucher une région très sensible du virus: celle de la protéine Spike qui lui permet de rentrer dans les cellules humaines, par l’intermédiaire des récepteurs cellulaires de type ACE2. C’est à cet endroit précis que se fixent les anticorps neutralisants.
«Plusieurs études ont montré que les anticorps neutralisants pouvaient rester dans l’organisme jusqu’à six mois après l’infection. Mais si cette protéine est modifiée, les anticorps ne la reconnaissent plus, ou moins bien, et ne prodiguent plus, ou plus autant, de protection», explique au journal l’infectiologue suisse et professeur honoraire à l’université de Lausanne Pascal Meylan.
Ce qui pourrait signifier qu’avant même d’être déployés, les vaccins seraient d’une efficacité moindre.
«C’est une possibilité qu’on ne peut malheureusement pas écarter, juge Pascal Meylan. Mais il y a plusieurs raisons qui permettent de penser que N439K, ainsi que les autres mutations, pourront être contrôlées.»
Ainsi, outre la production d’anticorps, l’organisme développe une réponse dite cellulaire: les lymphocytes T ciblent les cellules infectées pour les éliminer.
«Des études ont montré que près de 17 ans après une infection au Sars-CoV-1, l’organisme garde en mémoire la réponse cellulaire, commente François Balloux. Sans les anticorps neutralisants, la réponse est un peu plus lente et n’empêche pas l’apparition de certains symptômes. Mais elle pourrait être suffisante pour empêcher les formes graves.»
L’immunité cellulaire
Une équipe de scientifiques du Karolinska Institutet (Suède) a évoqué pour sa part l’ensemble des données de la littérature scientifique sur l’immunité cellulaire face au SRAS-Cov-2.
«Cette immunité semble assez efficace, explique au Figaro Marion Humbert, co-auteur de ces travaux. Des individus qui ne présentent pas d’anticorps dans leur échantillon sanguin pourraient même être protégés contre une réinfection. De plus, il est probable qu’une partie de la population bénéficie d’une protection due à une infection par d’autres virus: l’immunité cellulaire développée au préalable, en réponse à certains virus autres que le Sars-CoV-2, pourrait protéger contre les formes graves du Covid-19.»
Toutefois, le système immunitaire est complexe et des réponses différentes pour certains ne sont pas à exclure, explique François Balloux.
«Les vaccins visent principalement à créer des anticorps neutralisants contre la protéine Spike, mais engendrent une réponse immunitaire plus large, constate Pascal Meylan. Il faudra un peu de temps pour juger le degré réel de cette protection.»