Le Mexique attendra avant de reconnaître le Président Biden: «Ce n’est pas un acte de loyauté envers Trump»

© AFP 2024 Win McNameeDonald Trump et Andrés Manuel López Obrador, Washington, juillet 2020 (image d'illustration)
Donald Trump et Andrés Manuel López Obrador, Washington, juillet 2020 (image d'illustration) - Sputnik Afrique
S'abonner
Contrairement au Premier ministre canadien, le Président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, a choisi d’attendre le résultat des procédures judiciaires lancées par l’équipe de Donald Trump avant de féliciter Joe Biden pour sa victoire. Selon Saúl Sánchez, professeur à l’Université ibéro-américaine, Mexico fait bien de rester prudent. Entretien.

Pays étroitement lié aux États-Unis, le Mexique aura suivi de très près le déroulement de la dernière élection présidentielle américaine, dont certains résultats sont toujours contestés par l’équipe de Donald Trump.

Donald Trump et son homologue mexicain Andrès Manuel López Obrador à la Maison-Blanche, 8 juillet 2020 - Sputnik Afrique
Rencontre historique Trump-López Obrador: soumission du Mexique aux USA ou realpolitik?
La victoire déclarée de Joe Biden, un soulagement au Mexique, alors que Trump avait présenté les migrants mexicains en territoire américain comme des violeurs et des vendeurs de drogue? La réalité est plus complexe. Entretien avec le sociologue Saúl Sánchez, professeur à l’Université Ibéro-américaine, dans la ville de León, au Mexique.

Sputnik: Le Président Andrés Manuel López Obrador a décidé d’attendre le résultat des processus légaux de validation du vote par les États et des procédures judiciaires pour fraude avant de féliciter l’un ou l’autre des candidats pour sa victoire. Simple prudence ou subtil partis-pris pour Trump, dans un contexte où les deux dirigeants s’étaient «réconciliés» cet été à Washington?

Saúl Sánchez: «Bien que les deux options soient possibles en principe, si l’on s’en tient à la vision diplomatique du Président Obrador, on voit bien qu’il ne s’agit pas du tout d’un quelque acte de loyauté vis-à-vis de l’actuel Président Trump, bien que les médias dominants au Mexique et aux États-Unis aient répandu un tel narratif.

À vrai dire, la politique extérieure de la soi-disant Cuarta Transformación (Quatrième Transformation) adoptée par AMLO se caractérise par sa neutralité face à n’importe quelle nation ou gouvernement, soit de droite, soit de gauche, latino-américain ou occidental. Il s’agit avant tout d’une attitude de respect, laquelle devrait d’ailleurs être la norme entre les nations. Le processus électoral aux États-Unis n’est pas encore officiellement terminé, donc un Président étranger aurait tort de féliciter en avance Joe Biden en légitimant en plus un processus qui n’a pas été exempt de controverses.

«Une attitude de respect» vis-à-vis d’un processus électoral en cours

Contrairement à l’idée répandue par les médias, Obrador et Trump ne sont ni des amis ni des alliés politiques ou idéologiques. En fait, ils ont gardé une distance assez tendue, quoique respectueuse, durant les années de l’Administration Trump, jusqu’au moment de ratifier le nouveau traité de libre-échange nord-américain, ce qui a pris la forme d’une sorte de “réconciliation” à Washington. La thèse selon laquelle Obrador est en train de soutenir Trump ne tient pas la route.»

Sputnik: Que signifierait pour le Mexique l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche? Les relations entre les deux pays seraient-elles appelées à changer radicalement?

Saúl Sánchez: «C’est encore un mystère, bien qu’AMLO et Biden se soient déjà rencontrés la veille des élections mexicaines de 2012, lorsqu’Obrador était candidat présidentiel.

Un autre fait important: Marcelo Ebrard, le secrétaire des relations extérieures du Mexique, très proche d’AMLO et, en pratique, une espèce de Vice-Président, a soutenu activement la candidature de Hillary Clinton en 2016, et donc est rentré en contact avec des personnalités du Parti démocrate.

AMLO-Biden, des politiciens progressistes

Jusqu’à maintenant, le discours de Biden est amical vis-à-vis du Mexique et des Mexicains. C’est normal que des tensions se présentent, mais il est certain qu’elles seront beaucoup moins grandes que celles qu’on attendait de la relation Obrador-Trump. Avec l’arrivée de Biden, on pourrait s’attendre à ce que la relation bilatérale entre les deux pays se normalise. Je prévois que la relation AMLO-Biden sera encore plus fraternelle que celle entre AMLO et Trump. Biden n’a pas de discours anti-mexicain et Obrador n’a pas non plus un discours anti-américain ou anti-Démocrate. En fait, tous les deux sont en principe des politiciens progressistes, donc, il y a beaucoup plus de convergences que de divergences.»

Mur entre les États-Unis et le Mexique - Sputnik Afrique
Face à la crise migratoire, «le plan de Mexico est de se plier à la volonté de Washington»
Sputnik: On se souvient que Donald Trump avait associé les migrants mexicains clandestins aux États-Unis à des violeurs et des vendeurs de drogue. De manière globale, comment est vue la probable victoire de Joe Biden au Mexique?

Saúl Sánchez: «La victoire provisoire de Joe Biden a été très bien reçue par l’opposition, qui espère associer Trump et AMLO dans l’imaginaire politique, de manière à gagner des appuis en prévision des prochaines élections de 2021 et 2024. Dans la population, le Président élu Biden ne suscite ni peur ni espoir. Les Mexicains espèrent peu du Président américain, peu importe qui il est. Je dirais que la population reste plutôt indifférente à ces enjeux qui sont pour elle plutôt abstraits…»

Sputnik: Selon le Démocrate Joaquín Castro, représentant du Texas à la Chambre des représentants, la réserve d’AMLO face à Biden représente un échec diplomatique majeur de la part du Président mexicain. Êtes-vous de cet avis?

Saúl Sánchez: «Un commentaire ridicule, car strictement partisan et politique. La position d’AMLO est correcte du point de vue des relations internationales et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans ingérence étrangère, dans le cadre d’un processus électoral qui n’est même pas encore terminé. Les Démocrates veulent acquérir de la légitimité internationale face aux accusations de fraude lancées par le candidat Trump. Mais cela reste une affaire interne qui ne concerne que les Américains et leurs représentants.»

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала