Cachez cette publicité que je ne saurais voir!
Le député écologiste Matthieu Orphelin (Écologie Démocratie Solidarité et ex-LREM) a tenté en vain de rallier la commission du développement durable de l’Assemblée nationale à sa cause. Mais celle-ci n’a pas voté sa proposition «Loi Évin climat», qui visait notamment à interdire progressivement l’affichage digital, restreindre les campagnes publicitaires pour l’automobile (véhicules les plus polluants) et certains trajets en avion. Ce projet doit être examiné le 8 octobre en séance publique dans l’hémicycle.
La publicité dans le viseur des écolos
Sur le plateau de LCP, Matthieu Orphelin a déclaré, un brin amer, que «les professionnels et les lobbyistes de la publicité ont réussi à intoxiquer tout le monde en faisant croire que c’était une [loi, ndlr] qui allait interdire les publicités sur toutes les voitures, tout l’aérien». Alors que son objectif est de «réguler la publicité sur les produits les plus polluants.»
"Réguler la publicité sur les produits les plus polluants."
— LCP (@LCP) September 30, 2020
>> @M_Orphelin explique l'objectif de sa proposition de loi et accuse les publicitaires d'avoir "intoxiqué" tout le monde "en faisant croire" qu'elle allait mettre en danger tout le secteur de la publicité. #CVR pic.twitter.com/5IOGmIIke3
Interrogé par Sputnik, Loïc Prud’homme, député LFI de Gironde qui a pris part à la commission, n’est pas étonné par la levée de boucliers face à de telles mesures. «Les arguments que j’ai entendus de la droite ou de La République En Marche, c’est surtout: ne changeons rien au modèle», ironise-t-il.
«Cette filière publicité est inhérente au modèle d’économie hyper-libéralisée, hyper-capitaliste, axée sur l’accumulation sans limites, qui nous est proposé depuis plusieurs décennies. Quand des gens comme moi –et dans une moindre mesure Matthieu Orphelin– pensent mettre un frein ou changer ce modèle, on vous dit que ce n’est pas possible.»
Pourtant, le député LFI a émis de fortes réserves quant à la «Loi Évin Climat». Selon lui, il faudrait «opérer une rupture» dans les plus brefs délais, au vu de l’urgence climatique.
«Proposer des choses avec une échéance fixée à l’horizon 2030, c’est trop tard. Il faut assumer cette rupture. Matthieu Orphelin voudrait que les gens continuent de travailler dans ces secteurs, mais de manière plus vertueuse, pour nous vendre des voitures moins “pourries”, je n’y crois pas une seconde.»
Le député de Gironde a déposé mi-septembre une proposition de loi qui «va beaucoup plus loin». Et pour cause, l’un de ses objectifs est de «sortir de l’espace public tout message commercial». Une initiative pour le moins radicale, mais qui serait bénéfique pour la société, explique Loïc Prud’homme.
«C’est pour se libérer, retrouver du temps de cerveau disponible, mais pour autre chose que pour consommer encore plus. Retrouver la liberté d’être dans l’espace public sans être assailli de messages nous enjoignant à changer de smartphone ou d’acheter une voiture.»
Néanmoins, interdire tout simplement la publicité ne serait-ce pas infantiliser les Français, en décrétant qu’ils n’auraient pas la capacité de faire des choix en conscience?
Sortir de l’espace public tout message commercial
Pour Loïc Prud’homme, cet argument est «complètement faux» et «battu en brèche de nombreuses études scientifiques.»
«Les consommateurs ne sont pas libres […] On n’est pas armés pour faire des choix en liberté, en conscience, en connaissance de cause. C’est d’ailleurs le boulot de la publicité de nous faire faire des choix “contraints” ou du moins de nous aiguiller», assène-t-il.
Déjà frappé par la crise sanitaire, le marché de la publicité devrait finalement reculer de 20% en 2020, pour atteindre 27,2 milliards d’euros de recettes nettes, soit 7 milliards de moins, d’après les données l’IREP et France Pub en association avec le SRI (régies Internet) et l’UDECAM (agences médias), cités par Le Figaro. Interdire la réclame pourrait donc avoir des effets délétères sur une filière qui compte plus de 10.000 entreprises (chiffre AFDAS).
«Aujourd’hui, cette activité est-elle socialement soutenable? Est-ce que l’on a besoin de publicités pour nous vendre des produits qui ruinent notre santé et l’environnement?», rétorque le député LFI.
D’autant plus que le rapport des Français et la publicité évolue. Désormais, près de 86% d’entre eux aimeraient vivre demain dans une société où la consommation prend moins de place, mais surtout, 9 Français sur 10 estiment que les entreprises poussent à la surconsommation, d’après le baromètre GreenFlex de la consommation responsable, réalisé par l’institut de sondage YouGov.