Depuis l’arrivée de Donald Trump à Washington en janvier 2017, la scène s’est déroulée à plusieurs reprises dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. Entourant Donald Trump, les fidèles récitent en silence une prière. Les premiers touchent les épaules du Président de leurs mains, tandis que ceux placés au deuxième rang touchent celles de leurs collègues, dans un esprit de communion.
Ex-NFL Player Declares Trump America’s ‘First Black President’ https://t.co/WIdKuiTAtf
— PM Sports News (@PMSportsNews) February 29, 2020
Professeur de théologie à l’Université Concordia, à Montréal, André Gagné estime que les mouvements évangéliques –aussi appelés charismatiques– ont partiellement pris le contrôle du Parti Républicain. Dans Ces évangéliques derrière Trump, (Éd. Labor et Fides), le professeur expose la stratégie et les objectifs de cette «droite chrétienne» pour faire advenir sa vision du royaume de Dieu:
«Pour certains charismatiques près du pouvoir politique, le Président Trump représente le seul espoir politique pour les États-Unis. […] Il est en fait comparé au roi perse Cyrus le Grand, libérateur choisi par Dieu pour l’affranchissement du peuple juif de l’emprise de leur captivité, au VIe siècle avant notre ère.»
Et le professeur de préciser que ces évangéliques
«visent donc à influencer les sphères de la religion, de l’éducation, de l’économie, de la politique, des arts, des médias et de la famille.»
André Gagné rappelle que les «chrétiens blancs» de toutes obédiences ont fortement contribué à l’élection de Donald Trump en 2016. S’ils ont voté à 81% pour le candidat Républicain au dernier scrutin présidentiel, leur rôle a été encore plus important aux élections de mi-mandat, en 2018. À cette occasion, Trump a recueilli l’appui de 75% des blancs évangéliques, de 56% des chrétiens d’autres «grandes traditions protestantes» et de 49% des catholiques.
Blancs et chrétiens soutiennent toujours massivement Trump
La conversion des églises évangéliques en «centres apostoliques» a été déterminante pour accroître l’influence de la droite chrétienne dans le pays et au sein même du Parti Républicain. La stratégie des «entrepreneurs chrétiens» consiste à découper puis à se partager le territoire américain, et même celui de la planète entière, dans le but de rallier le plus de fidèles possible. Inspirée du management, cette stratégie serait calquée sur celle des grandes entreprises voulant maximiser leurs parts de marché.
Pastor Paula White-Cain, White House Spiritual Advisor: "I declare divine intervention and supernatural turnaround. You will restore this land." pic.twitter.com/OtwXRfERsh
— The Hill (@thehill) May 8, 2020
«Pasteur Paula White-Cain, conseillère spirituelle de la Maison-Blanche: “J’annonce une intervention divine et un revirement surnaturel. Vous restaurerez cette Terre.”»
Selon André Gagné, les évangélistes Paula White-Cain et Lance Wallnau jouent un rôle phare auprès de Trump et de son entourage. Paula White-Cain est la conseillère spirituelle du locataire de la Maison-Blanche, alors que Lance Wallnau est l’un des membres en vue du Conseil national de l’United States Coalition of Apostolic Leaders, l’une des plus grandes organisations évangéliques au pays de l’Oncle Sam, rappelle-t-il.
«Avec White-Cain à la tête d’OVPM [Once Voice Prayer Movement, ndlr], ces charismatiques […] ont réussi à déployer un réseau au cœur du pouvoir américain, jusque dans la Maison-Blanche, ce qui leur permet de peser comme jamais auparavant sur les politiques mises en place par un Président qui doit son élection à un électorat évangélique», souligne le chercheur.
Le professeur montréalais souligne que les Démocrates et autres adversaires du Président sont associés à des «forces démoniaques» par les leaders charismatiques proches de Donald Trump. Leur «combat spirituel» consisterait entre autres à dévoiler les «forces profondes et secrètes» et à démasquer «l’État profond» visant à nuire au Président.
Les Démocrates assimilés à des «forces démoniaques»
Pour ces leaders charismatiques, en janvier 2020, l’assassinat du général iranien Soleimani par les Américains aurait même annoncé la fin du monde et la seconde venue du Christ sur Terre. Les grands événements de l’actualité mondiale sont en effet souvent interprétés à la lumière de passages de la Bible, surtout quand ils concernent l’État d’Israël, observe André Gagné:
«Nombre de dirigeants influents du monde évangélique ont applaudi la décision de Trump de reconnaître la ville de Jérusalem comme capitale d’Israël. Ils se sont aussi réjouis de la décision de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, le 14 mai 2018», rappelle-t-il.
Si l’ouvrage d’André Gagné donne souvent l’impression d’être face à un bloc monolithique, homogène, l’auteur précise tout de même que d’importantes dissensions sont apparues au sein du mouvement à propos de Trump. En décembre 2019, Mark Galli, le rédacteur en chef de la revue Christianity Today –qui compte 4,5 millions de lecteurs par mois– avait demandé que le Président soit démis de ses fonctions. Écrivant que Trump «était un exemple presque parfait d’un être humain moralement perdu et confus», son intervention a soulevé l’ire de nombre de ses coreligionnaires.