La matinée du 28 août, il a fallu suivre en temps réel les règles sur le port du masque à Paris: le «masque pour tous» a tout d’abord été décrété, pour ensuite accorder une dérogation aux cyclistes et joggeurs, puis le droit de fumer dans l’espace public a été refusé, pour à nouveau être autorisé, le sandwich dans la rue est interdit, mais le Parisien a le droit de pique-niquer dans un parc… Une chose est en revanche certaine: la Mairie de Paris prolonge son «expérimentation» mise en place le 2 juin dernier et rend les «terrasses provisoires» pérennes jusqu’en juin 2021.
Si, au moment du bouclage de l’article, aucune réponse de la Mairie ne nous est parvenue, sur les réseaux sociaux, cette décision au bilan «hyper positif» a provoqué des réactions immédiates des riverains excédés par la profusion des terrasses sous leurs fenêtres.
Il faut réunir tous les collectifs et associations de riverains à la rentrée pour coordonner des actions en justice, auprès des députés et de visibilité pour que la Mairie de Paris ne nous oublie pas.
— Droit au Sommeil PARIS (@DroitParis) August 27, 2020
Jacques, à qui Sputnik a tendu le micro, est l’animateur du réseau Greneta Goldoni, un «collectif de résidents des rues Greneta, Dussoubs, de la place Goldoni et de toutes les rues voisines, engagés dans la défense de leur qualité de vie à Paris-Centre», mais aussi membre de l’Association Marais-Louvre qui œuvre pour la «défense du cadre de vie du centre de Paris», la subdivision du réseau Vivre à Paris. Malgré la vie associative active, ce «simple Parisien» a parfois un sentiment de solitude face à l’invasion rampante des terrasses «provisoires» dans la vie des quartiers parisiens.
Une charte de bonne conduite qui n’est pas respectée
Jacques avoue qu’avant même le confinement, dans son quartier historique avec un maillage de rues étroites hérité de la ville moyenâgeuse, ces terrasses causaient déjà des problèmes. Maintenant qu’elles sont étendues, «elles en posent deux, voire dix fois plus». D’après lui, «les emprises de l’occupation de l’espace de certains bars ne sont absolument pas contrôlées».
«Cela génère des nuisances sonores tard le soir. Les bars ferment à 2h du matin. Contrairement à ce que dit la Mairie, je n’ai jamais observé la fermeture des terrasses à 22h dans Paris-Centre, ni le respect de la charte», constate Jacques.
Cette fameuse Charte d’engagement des commerçants, mise en place par la Mairie au moment de l’ouverture des premières terrasses provisoires, reste souvent lettre morte, d’après Jacques. En plus, «suite à la politique de piétonisation», la création de zones de concentration de bars et de restaurants attire du monde… pas toujours discipliné.
«J’ai assisté à des scènes hallucinantes: à 1h du matin, des personnes sortant des bars ont lancé des feux d’artifice en plein Paris. Ils sont retombés dans les immeubles voisins», déplore Jacques.
La priorité est aux bars et aux restaurants
Les riverains manquent d’outils pour faire face aux situations conflictuelles. Appelés sur place au tout début du déconfinement, «les policiers ont dit n’avoir aucune consigne».
«La Mairie a fait une note interne, la fameuse charte, sauf qu’elle ne s’appuie sur aucun décret d’application. La police ne peut pas agir dans la légalité. Pour les forces de l’ordre, un bar ferme à 1h du matin», explique Jacques.
Excédés par ce «parcours du combattant avec très peu de résultat à court terme», les riverains sont las de devoir «batailler pour obtenir des résultats, en étant quasiment seuls». «Ce n’est pas parce que vous êtes plusieurs que vous avez un pouvoir important avec des actes qui suivent rapidement», dénonce ce Parisien. Il observe même que l’actualité démontre «encore une fois» que les résidents «ne sont absolument pas considérés».
«C’est totalement ironique: on entend la Mairie de Paris et les mairies de Paris-Centre –on peut citer Ariel Weil [le maire du 4e arrondissement, ndlr] – affirmer vouloir sauver le commerce de proximité, alors que ce dernier ne vit que grâce aux résidents», s’étonne Jacques.
«On donne la priorité aux bars et aux restaurants, cela génère des nuisances, les résidents s’en vont, les commerces de proximité disparaissent. Mon analyse nécessite d’être démontrée mais pour moi, il s’agit du clientélisme entre la Mairie de Paris et le lobby des bars et des restaurants», avance Jacques, amer.
Dernier exemple en date: «Le seul poissonnier de la rue Montorgueil est en passe de fermer, la Mairie n’a rien fait alors que c’est un commerce historique de cette rue.»
Faut-il s’attendre à une fronde des riverains?
«Ce qui n’est pas clair, c’est le but de la Mairie de Paris. Que fait-elle pour attirer et maintenir des résidents qui font vivre le commerce de proximité et l’authenticité de Paris?», clame ce Parisien.
Un point reste important aux yeux de Jacques: «C’est la Marie de Paris qui crée du désordre, pour dire ensuite qu’elle a besoin d’une police pour faire régner l’ordre.» Et les résidents n’ont pas leur mot à dire.