Quel rapport entre un nouvel embrasement militaire et une interdiction de l’application TikTok? Au mois de mai, un drame entre l’Inde et la Chine s’est produit dans l’Himalaya, à la frontière entre les deux pays. De chaque côté, des enlèvements, des blessures et des décès.
Dans la foulée, une commande indienne de Rafale français devrait arriver avant la fin du mois de juillet: 36 avions de chasse équipés de missiles. L’Inde prend aussi des mesures protectionnistes dans le cyberespace, interdisant des applications chinoises, dont la populaire TikTok. Et les ministres indiens discutent maintenant d’une éventuelle interdiction de leur territoire de la technologie 5G du géant chinois des télécoms Huawei.
Le récit dominant est celui d’une résistance indienne à l’expansionnisme chinois. Mais est-ce vraiment toute l’histoire? Y aurait-il une sortie de crise en vue? Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Inde et en Russie, réagit:
«Je pense que la rivalité va durer. Mais je suis optimiste sur le fait qu’il n’y aura pas de conflit armé. Il n’y en a pas eu depuis 1962 et il n’y en aura pas dans le futur. D’abord, tout simplement parce que ces pays sont des pays nucléaires, ce qui permet d’exercer une certaine dissuasion. Mais même s’agissant d’un conflit avec des forces conventionnelles, c’est-à-dire un conflit non nucléaire, je pense que c’est tout à fait exclu par les deux parties. Mais la négociation durera longtemps, parce qu’elle est difficile pour des raisons historiques.»
Comment expliquer qu’en conséquence, l’Inde interdise certaines applications mobiles chinoises et envisage une potentielle interdiction de Huawei, sous prétexte de ces affrontements dans l’Himalaya? Blanchemaison répond:
«Le gouvernement de Narendra Modi a franchi un pas de plus dans l’escalade avec la Chine en interdisant un certain nombre de technologies chinoises sur le territoire indien, ce qui provoque des protestations de la part d’entreprises et de citoyens indiens, puisqu’ils ont besoin de ces applications, notamment les jeunes Indiens, qui sont très friands de TikTok. Je pense que le Premier ministre indien veut marquer le coup– après tout, il appartient à un parti nationaliste-hindouiste– et que son électorat attend qu’il ne se laisse pas faire par le grand voisin chinois.»
Malgré son rôle de leader des BRICS, la Russie se garde bien de se mêler de ce contentieux. Sergei Lavrov, son ministre des affaires étrangères, a affirmé lors d’un échange avec la presse: «Nous n’avons jamais eu pour objectif d’aider l’Inde et la Chine à développer leurs relations bilatérales… L’Inde et la Chine ont toutes les chances de s’attaquer à– et de résoudre– tout problème dans leurs relations.»
L’ancien ambassadeur français en Russie analyse ces propos:
«Monsieur Lavrov constate avec une grande sagesse que les deux pays, en l’occurrence l’Inde et la Chine, ont des ressources suffisantes pour régler leurs différends. On a vu, il y a peu de temps, que monsieur Modi a reçu monsieur Xi Jinping l’année dernière, encore une fois. Ils se voient très souvent et ils s’entendent tout à fait bien. La Chine est le premier partenaire commercial de l’Inde, comme de tous les pays asiatiques.»