Le ministre ivoirien de la Défense «pion central du trafic» de cocaïne? Il porte plainte

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Hamed Bakayoko, ministre ivoirien de la Défense et Premier ministre par intérim, est-il un baron de la drogue? C'est ce que suggère une série d’articles publiés depuis fin mai par le magazine international Vice. L’intéressé dénonce des «insinuations extrêmement graves et diffamatoires», et annonce une plainte contre les auteurs.
«Je n’ai pas pour habitude de réagir à des allégations portées contre moi sur les réseaux sociaux. Mais je me vois contraint de le faire aujourd’hui, suite à une publication sur une prétendue enquête de deux journalistes, Messieurs Ibekwe Nicholas et Daan Bauwens», a d’emblée déclaré Hamed Bakayoko, dans un communiqué publié le 8 juin sur sa page Facebook..

Pour le ministre de la Défense, qui assure depuis le 3 mai l’intérim du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly actuellement en France pour raison de santé, les allégations des deux journalistes «sont de nature à jeter le discrédit» sur son pays, en raison des fonctions qu’il exerce.

Les faits

Le 7 juin, Kyria Doukouré, une célèbre activiste ivoirienne, a porté à la connaissance du grand public, via sa page Facebook, une enquête publiée quelques jours plus tôt par deux journalistes d’investigation du magazine Vice: le Nigérian Nicholas Ibekwe et le Belge Daan Bauwens.

Menée entre 2018 et 2019, à Abidjan notamment et déclinée en une série de cinq articles, cette enquête, intitulée «Comment votre conso de coke fout la merde en Afrique de l’Ouest», présente Abidjan, la capitale économique ivoirienne, comme un «haut lieu stratégique du trafic de cocaïne», et le ministre de la Défense Hamed Bakayoko, comme «un pion central» de ce trafic. La source? «Les renseignements d’[un] agent des services secrets français» rencontré par les auteurs de l’article. Une information, confirmée, par ailleurs, au fil du papier.

«Le ministre de la Défense, le plus grand trafiquant de cocaïne? Je le sais. Et tout le monde le sait», est-il indiqué dans la partie 3 de la série.

​Ces allégations, qualifiées par Hamed Bakayoko d’«extrêmement graves et diffamatoires», sont attribuées à un escort boy, prétendu «partenaire sexuel» du ministre, avec qui les journalistes disent avoir échangé dans un bar.

«Dans mes charges de ministre de la Sécurité en Côte d’Ivoire pendant plus de sept ans et celles actuelles de la Défense, les résultats obtenus dans la lutte contre la drogue sont mondialement reconnus. Ces actions, qui se sont soldées par de nombreuses arrestations, saisies et démantèlements de réseaux mafieux, ont valu des félicitations internationales à la Côte d’Ivoire», a déclaré Hamed Bakayoko.

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Par ailleurs, l’enquête évoque l’implication dans le trafic de drogue de certaines célébrités de l’industrie du spectacle ivoirienne. «En Côte d’Ivoire, les stars de la pop vivent comme des millionnaires, mais on ne sait pas d'où vient leur argent puisque seul un petit pourcentage de leurs fans a les moyens d’acheter des disques ou des places de concert», est-il souligné dans le deuxième article de la série.

Et DJ Arafat, décédé le 12 août à Abidjan, à 33 ans, dans un accident de moto, aurait été l’une des mules de ce trafic de cocaïne en terre ivoirienne, suggère l’article. Une relation quasi filiale liait, d’ailleurs, l’icône du coupé-décalé au ministre de la Défense, qui était son parrain et protecteur.

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Appelé à se prononcer sur les accusations portées à l’encontre de son client, Me Alain Bokola, l’avocat du défunt artiste, les a, lui aussi, qualifiées de «pure diffamation» «DJ Arafat, de son vivant, n'a jamais été impliqué dans une quelconque affaire de trafic de drogue. Il rentrait et sortait du pays sans jamais avoir été cité dans une affaire de drogue... Laissez-le reposer en paix», a déclaré le 8 juin l’avocat, interrogé par Linfodrome, un média local.

Pour Siaka Coulibaly, analyste politique burkinabè approché par Sputnik, ces accusations contre Bagayoko relèvent «clairement d'une bataille faisant partie de la guerre de succession du Président Alassane Ouattara». En d’autres termes, «d’autres proches du Président pourraient bénéficier des révélations actuelles». Toutefois, il estime qu'en portant plainte «Hamed Bakayoko court le risque d'un déballage plus important».

«Les journalistes ont arrêté leur publication au troisième épisode sur cinq. Il pourrait y avoir d'autres révélations», justifie Siaka Coulibaly.

Un homme d’État aux possibles ambitions présidentielles

Fidèle inconditionnel du Président Alassane Ouattara, Hamed Bakayoko a tour à tour été ministre de la Communication, sous Laurent Gbagbo, et de la Sécurité, avant de gérer depuis juillet 2017 le portefeuille de la Défense.

Par ailleurs, avec sa fonction de ministre d’État, il cumule les postes de député de Séguéla, dans le nord du pays, et de maire d’Abobo, l’une des plus vastes et des plus peuplées des 10 communes qui composent Abidjan.

S'il s’en est parfois défendu, certains observateurs lui prêtent volontiers des ambitions présidentielles.

Lui qui assure déjà l’intérim d’Amadou Gon Coulibaly, candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti au pouvoir) à la présidentielle d'octobre prochain est, toujours selon ces observateurs, actuellement dans les starting-blocks pour remplacer, en cas d’indisponibilité, le Premier ministre à cette échéance électorale.

 

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