Près de quatre ans après la mort d'Adama Traoré, un jeune homme noir de 24 ans, la responsabilité des gendarmes qui l'avaient interpellé vient à nouveau d'être écartée par une dernière expertise judiciaire, ordonnée après un coup de théâtre dans cette affaire devenue un symbole des violences policières.
Le 19 juillet 2016, Adama Traoré est décédé dans la caserne de Persan, près de deux heures après son arrestation dans la ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) au terme d'une course-poursuite et après avoir échappé à une première interpellation un jour de canicule.
«Adama Traoré n'est pas décédé “d'asphyxie positionnelle”, mais d'un œdème cardiogénique», concluent les trois médecins dans le document de sept pages dont a eu connaissance l'AFP.
Sans se montrer catégoriques au sujet des causes de cet œdème, ils estiment que «l'association d'une sarcoïdose pulmonaire (pathologie rare, ndlr), d'une cardiopathie hypertrophique et d'un trait drépanocytaire (une maladie génétique, ndlr) ont probablement pu y contribuer dans un contexte de stress intense et d'effort physique, sous concentration élevée de tétrahydrocannabinol», le principe actif du cannabis.
Adama Traoré «a pris le poids de nos corps à tous les trois» lors de son arrestation dans la maison où il s'était caché, avait raconté un des gendarmes lors d'un interrogatoire, suscitant des interrogations sur la méthode employée.
Les trois gendarmes ayant procédé à l'arrestation ont été placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté et, depuis, la défense et la famille se livrent une bataille judiciaire mais aussi médicale.
Une expertise de synthèse remise aux juges le 14 septembre 2018 avait notamment conclu que «le pronostic vital (était) engagé de façon irréversible» avant l'interpellation.
La famille dénonce «un déni de justice»
Pour sa part, Me Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille du jeune homme, a affirmé que les médecins auteurs de la dernière expertise «n'ont aucune compétence en cardiologie mais se permettent d'inventer une maladie cardiaque», alors que «des cardiologues avaient affirmé qu'Adama Traoré n'avait aucune pathologie cardiaque».
La soeur d'Adama, Assa, a quant à elle dénoncé «un déni de justice» et estimé qu'«on protège les gendarmes».
La famille avait également tenté d'obtenir, en vain, une reconstitution de la scène ayant conduit à la mort d'Adama Traoré. Comme les magistrats instructeurs avant elle, la cour d'appel de Paris a rejeté en janvier cette demande, alors que le parquet général s'était dit favorable à une reconstitution partielle.
En conséquence, les proches ont indiqué qu'ils prévoyaient d'organiser eux-mêmes une reconstitution.