Régulariser les migrants au «front» du Covid-19 au Québec? «Je dis oui!», répond un opposant à l'immigration illégale

© AFP 2024 GEOFF ROBINSDemandeurs d’asile sur le chemin Roxham, près de la frontière américano-canadienne, 6 août 2017
Demandeurs d’asile sur le chemin Roxham, près de la frontière américano-canadienne, 6 août 2017 - Sputnik Afrique
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L’immigration n’a pas fini de faire parler au Québec. Le 21 mars, Justin Trudeau fermait la frontière avec les États-Unis après l’arrivée en pleine pandémie de centaines de migrants clandestins. Pour certains, l’immigration clandestine doit cesser, mais pour d’autres, sans elle, le Québec manquerait de travailleurs pour lutter contre le Covid-19.

Le débat sur l’immigration clandestine ne connaît décidément aucun répit dans la Belle Province.

Le 21 mars dernier, Justin Trudeau, Premier ministre canadien, décidait de fermer la frontière entre son pays et les États-Unis, alors que des observateurs craignaient pour la santé des Canadiens dans le contexte du Covid-19. Avant cette date, plusieurs centaines de passages clandestins ont eu lieu sans que les migrants ne fassent l’objet d’un examen de santé. Cette situation a été vivement décriée partout au Canada, et continue de valoir des critiques à Trudeau, surtout au Québec où traversent l’écrasante majorité des migrants.

Immigration: le débat est reparti

Le 18 mars dernier, le Premier ministre québécois, François Legault, déclarait que la situation au chemin Roxham, cette petite route du Sud québécois devenue emblématique de l’immigration illégale, «n’était pas acceptable».

«On ne peut pas laisser entrer de façon illégale des gens, sans au moins les mettre en quarantaine», tranchait François Legault en conférence de presse.

Avocat bien connu, Stéphane Handfield déplore toujours l’inaction du gouvernement Trudeau, qu’il juge inéquitable, voire discriminatoire envers le Québec dans ce dossier. Selon les chiffres officiels, 2.992 migrants ont traversé clandestinement la frontière au Québec entre le 1er janvier 2020 et le 31 mars de la même année. Dans la même période, seules quelques dizaines de migrants sont arrivés depuis les États-Unis dans les autres provinces.

«Comme je le dénonce depuis 2017, c’est une situation exclusivement québécoise. […] Le gouvernement ne bouge pas. Si les statistiques étaient à l’inverse, je pense qu’Ottawa aurait déjà bougé, et depuis longtemps [...] Si c’était la province de l’Ontario qui avait reçu autant de migrants, pensez-vous vraiment qu’Ottawa n’aurait pas bougé? Selon moi, cette situation propre au Québec arrange bien Ottawa, et peu importe le parti au pouvoir», s’indigne-t-il au micro de Sputnik.  

Depuis la fermeture de la frontière, le 21 mars, seulement 14 migrants clandestins ont été interceptés par les agents frontaliers sur le territoire québécois. Les observateurs craignent toutefois que la réouverture prochaine de la frontière n’ait pour effet de produire un rapide retour à la «normale».

«Une situation exclusivement québécoise»?

Récemment, le débat sur l’immigration a toutefois pris une tournure inattendue, lorsque la presse a dévoilé qu’au moins 1.500 demandeurs d’asile luttaient activement contre le Covid-19 au Québec. Parmi eux se trouvent de nombreuses femmes issues de la diaspora haïtienne et latino-américaine travaillant dans les résidences pour aînés non autonomes, très durement frappées par le coronavirus.

«À l’époque, des milliers de demandeurs d’asile entraient au Québec de façon irrégulière par le chemin Roxham, dans l’espoir d’obtenir l’asile politique au Canada. […] Presque trois ans plus tard, des centaines de ces demandeurs d’asile travaillent sur le “front” de l’épidémie de Covid-19. […] Ces bras dont le Québec a tant besoin, ce sont aussi les leurs», écrit le 2 mai la journaliste Agnès Gruda, dans un texte à La Presse qui a été très lu et partagé.

Entre juillet et septembre 2017, 7.000 ressortissants haïtiens en provenance des États-Unis ont illégalement traversé la frontière. Les autorités n’étant pas préparées à cette vague migratoire, l’armée avait même dû être appelée en renfort.

Des demandeurs d’asile au front contre le Covid-19

Selon Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti à Montréal, les autorités devraient régulariser les travailleurs de la santé issus de cette vague migratoire:

«Ces gens vivent souvent dans des quartiers de Montréal plus touchés par le virus et prennent le risque d’être contaminés et de contaminer leurs familles. […] On a demandé de régulariser le statut de ces personnes qui travaillent dans les métiers essentiels. Plusieurs demandeurs d’asile sont allés travailler dans ce secteur où il y avait un manque de personnel», explique Mme Villefranche en entrevue.

Un avis que partage entièrement l’avocat Stéphane Handfield, malgré sa ferme opposition à l’immigration clandestine:

«Absolument d’accord dans le contexte du Covid-19. Ce sont des gens en attente de statut et qui risquent leur vie pour sauver celle des autres dans notre système de santé. Je dis oui et rapidement! L’amnistie en matière d’immigration est quelque chose qui s’est déjà vu par le passé au Canada», précise l’avocat.

Selon certains experts, des résidents des centres d’hébergement pour aînés non autonomes sont morts de faim et de soif en raison du manque de ressources et de personnel. Ces dernières semaines, plusieurs scandales de négligence envers des personnes âgées ont éclaté dans le contexte de la pandémie. Compte tenu de cette situation, la directrice de la Maison d’Haïti estime que la perception de l’immigration pourrait changer positivement au Québec:

«Le Canada et les provinces ont toujours fait venir une immigration qui correspondait à leurs besoins. Le Canada fait de l’immigration parce qu’il a besoin de travailleurs et non par bonté d’âme. C’est un pays où il y a une grande rareté de main-d’œuvre, estime-t-elle, avant de poursuivre:
Avec la crise, on se rend d’autant plus compte que nous avons besoin de cette main-d’œuvre, autant dans les hôpitaux que dans les champs en agriculture. J’ai l’impression que le débat sur l’immigration ne va pas reprendre de la même manière. Les arguments vont être différents», conclut Marjorie Villefranche.
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