En Algérie, le coronavirus fait exploser la bulle de l’immobilier

© AFP 2024 FAROUK BATICHEDes logements dans le centre d'Alger
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Le secteur de l’immobilier est fortement impacté par la pandémie de Covid-19. Locations, ventes, promotions… les professionnels et particuliers ont du mal à s’y retrouver dans un marché qui subit une perte de valeur. La crise économique provoquée par la baisse des prix des hydrocarbures pourrait aggraver la situation.

Les professionnels de l’immobilier ont perdu leurs marques. Depuis le début de la crise sanitaire, plus personne n’est capable de déterminer la valeur d’un bien. Et c’est valable tant pour la location que pour la vente. Hocine dirige une agence immobilière à Alger depuis une quinzaine d’années. Il avoue à Sputnik n’avoir jamais assisté à une crise de cette envergure.  

«Le coronavirus a déstabilisé notre activité. Pour ce qui est des locations, la situation est compliquée car il n’est plus possible d’organiser des visites. Les propriétaires évitent de recevoir de peur de la propagation du virus. Actuellement, nous avons très peu de visibilité en matière de prix. Personnellement, j’ai constaté une baisse de la valeur de certains biens. À titre d’exemple, une villa qui était en location initialement à 200.000 dinars par mois (1.450 euros) est finalement proposée à 140.000 dinars (1.000 euros)», explique l’agent immobilier.

Effet ramadan

Selon Hocine, la situation est tellement confuse que certains propriétaires préfèrent temporiser plutôt que de louer à perte. «D’autres tentent d’imposer des tarifs assez élevés en faisant en sorte d’accepter une avance de loyer de six mois au lieu d’une année, l’objectif des propriétaires étant de perdre le moins d’argent possible», indique-t-il.

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Dans les grandes villes du pays, la règle est de s’acquitter par avance de douze mois de location, en plus d’un treizième mois qui est remis à l’agence. En plus du coronavirus, qui a contaminé officiellement, au 11 mai, 5.891 personnes et provoqué 507 décès, le secteur de l’immobilier subit également l’effet du mois de ramadan, une période «morte» pour les professionnels. Généralement, les Algériens emménagent avant ou après le mois saint.

Hocine veut garder espoir. «Je reste confiant. J’espère qu’il va y avoir une reprise juste après le déconfinement. Si cette crise dure encore quelques mois, on ne s’en sortira pas.» L’espoir, Moufid, un jeune entrepreneur, y croit moyennement. Après avoir travaillé quelques années dans une société spécialisée dans les solutions informatiques, cet ingénieur a décidé de tout plaquer pour se lancer dans la promotion immobilière avec un membre de sa famille.

 «En 2015, nous avons acheté un terrain sur lequel nous avons construit un immeuble d’une dizaine d’appartements. Cette première opération s’est très bien passée, nous avons tout vendu en l’espace de deux années. Nous avons tout réinvesti dans un second projet plus important sur les hauteurs d’Alger. Mais nous avons du mal à vendre ces appartements-là, cet investissement est vraiment tombé au mauvais moment», déclare Moufid à Sputnik.

Placements en stand-by

Il est vrai que les effets de la crise ont commencé à se faire sentir dès 2018. Les choses se sont compliquées en 2019 –avec l’instabilité politique–, en 2020 –avec le coronavirus– et la chute brutale des prix des hydrocarbures, plus importante ressource du pays, aggrave la situation.

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Les chefs d’entreprise et les commerçants, principaux clients du secteur de l’immobilier, préfèrent garder leur trésorerie pour faire face aux contrecoups du Covid-19: les placements dans l’immobilier sont donc reportés. 

Pour Moufid, il faut plutôt s’attendre à une offre massive de biens dans les prochains mois, qui aura pour effet direct de faire baisser encore plus la valeur de l’immobilier. «Je crois que nous assistons en direct à l’explosion de la bulle», considère-t-il avec dépit. Aux difficultés de commercialiser ses appartements, viennent s’ajouter des ennuis plus pratiques comme les problèmes de disponibilité des équipes et les approvisionnements en matériaux de construction. «Le chantiers tournent au ralenti car les ouvriers ont peur de travailler dans les conditions actuelles.»

La fin d’un rêve

Le secteur public, au même titre que le privé, subit lui aussi les conséquences de cette crise sanitaire et économique. L’État ne peut plus supporter le poids de la politique d’aide au logement et a décidé de se désengager de ce domaine. Dimanche 10 mai, le directeur général du Logement au ministère de l’Habitat, Anis Bendaoud, a annoncé sur les ondes de la radio officielle l’abandon de la formule location-vente lancée par l’Agence nationale d'amélioration et de développement du logement (AADL) ainsi que les grands programmes d’habitats sociaux, «sans laisser tomber, [pour autant], les couches défavorisées».

​C’est la première fois qu’un responsable de ce département ministériel emploie le terme «formule budgétivore». Ces vingt dernières années, les autorités algériennes avaient lancé la construction de plus de trois millions de logements de différentes catégories. Souvent utilisé à des fins politiciennes, le rêve d’un logement pour chaque Algérien est désormais fini.

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