Comment le Département d’État américain tente-t-il de modeler le discours sur le coronavirus? Avec Donald Trump qui tient régulièrement des conférences de presse au cours desquelles il émet parfois des hypothèses hasardeuses, la «police des récits» américaine n’a-t-elle pas déjà assez à faire?
François-Bernard Huyghe, Directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste en communication, cyberstratégie et intelligence économique, décrypte les mécanismes qui sous-tendent la démarche du Global Engagement Center:
«Il y a un phénomène idéologique. Dans une période où l’on est obsédé par les Fake News, par les théories complotistes, etc., c’est devenu un procédé rhétorique facile de se cacher derrière l’information scientifique et de contester toute opinion opposée, éventuellement de la censurer au nom de la désinformation, du complot. C’est une vieille technique, mais elle s’épanouit particulièrement en ce moment sur des sujets comme ça, où établir la vérité est très difficile.»
D’après un article de Politico qui décrypte un nouveau rapport sur les récentes activités du Global Engagement Center, la Chine, l’Iran, et la Russie «utilisent la crise du coronavirus pour lancer une attaque de propagande et de désinformation contre les États-Unis» et promeuvent l’idée, entre autres, que «la réponse de la Chine a été excellente alors que les États-Unis ont été négligents». Le responsable de l’Observatoire géostratégique de l’information réagit:
«Que la Chine dise que les États-Unis gèrent mal la crise, mais excusez-moi, regardez la télévision française. Si les Chinois sont des désinformateurs, toutes les télés françaises sont des désinformatrices.»
Huyghe explique comment ces enjeux de guerre informationnelle s’inscrivent dans la rivalité entre grandes puissances:
«Derrière tout ça, à plus long terme, il y a une sorte de lutte planétaire pour le soft power... La Chine a sans doute l’intention de mettre en valeur sa probable réussite ou ses moindres dégâts économiques, de montrer qu’elle a eu de la discipline et que l’action de l’État a été efficace, et troisièmement, de dire que son système capitalo-communiste a été efficace et universel et de le présenter comme un modèle mondial. Si elle fait ça, pardonnez-moi, mais c’est de bonne guerre.»