La police craignait leur augmentation dès les premiers jours du confinement et ses craintes se sont confirmées. Selon le ministère de l’Intérieur, les violences domestiques auraient augmenté de 36% en zone gendarmerie et de 32% dans celle de la préfecture de police. Les chiffres précis n’ont pas été avancés, mais selon nos propres estimations, suivant les chiffres de l'année 2019, plus 24.000 femmes ont pu être victimes de violence (tous degrés confondus), depuis le 15 mars. Un chiffre a minima, sachant que la plupart d'entre elles n'osent pas se manifester auprès de la police.
Les gendarmes disent recevoir trois à quatre fois plus de signalements qu’à l’accoutumée. Fin mars, les violences intrafamiliales représentaient par exemple 40% des gardes à vue à Reims, souvent entre personnes en instance de séparation, qui «ne s’entendaient plus», selon le procureur Mathieu Bourette, et malgré tout contraintes à vivre en huis clos. Le 114, un dispositif d’alerte SMS lancé le 1er avril, a enregistré 300 alertes.
Violences intrafamiliales: trois à quatre fois plus de signalements aux gendarmes
Le phénomène des tensions intrafamiliales a été observé aux quatre coins du globe, alors que trois milliards d’individus sont aujourd’hui confinés. Ainsi, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations unies, a-t-il lancé sur Twitter un «appel à la paix dans les foyers». Un acte pour le moins symbolique.
Peace is not just the absence of war. Many women under lockdown for #COVID19 face violence where they should be safest: in their own homes.
— António Guterres (@antonioguterres) April 6, 2020
Today I appeal for peace in homes around the world.
I urge all governments to put women’s safety first as they respond to the pandemic. pic.twitter.com/PjDUTrMb9v
Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a affirmé sur BFMTV le 31 mars que les victimes étaient plus nombreuses à se signaler auprès des forces de l’ordre, mais que moins d’appels au 3919 avaient été enregistrés: «il est plus difficile pour les victimes de s’isoler pour téléphoner», a-t-elle estimé. Un constat indéniable, mais la campagne médiatique a sans doute porté ses fruits: ce numéro a pris en charge 2.237 appels la première semaine du mois d’avril, soit «sensiblement plus qu’en temps normal, avec davantage d’urgences», selon Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes.
Appels au 119: + 50% en une semaine
Autre source d’inquiétude, et non des moindres: les violences infantiles. Rappelons que plus de 363 enfants sont morts sous les coups de leurs parents entre 2012 et 2016 en France, soit un tous les cinq jours –un chiffre sans doute plus important, puisqu’il ne peut pas tenir compte des accidents provoqués. Le nombre d’appels au 119 –le service pour l’enfance en danger– aurait augmenté de 20%, selon Adrien Taquet, secrétaire d’État à l’enfance, et de 50% pour la seule première semaine du mois d’avril. Mais comme pour les violences faites aux femmes, un tel chiffre peut aussi être, en partie, la conséquence des opérations de sensibilisation depuis le début du confinement.
La protection pour l’enfance a exhorté à une «vigilance accrue» de la population: les voisins ne peuvent rester passifs. À l’automne 2019, un voisin a comparu devant le tribunal correctionnel de Reims pour «non-dénonciation de mauvais traitements» dans l’affaire du meurtre du petit Tony, âgé de trois ans, qui avait succombé en 2016 sous les coups du compagnon de sa mère.
Répression au ralenti?
Alors que faire? Les 22.000 pharmacies sont aujourd’hui devenues autant de points d’alerte. Les victimes peuvent s'y rendre sans éveiller les soupçons. Par exemple, non loin de Nancy, une jeune mère de 19 ans a pu trouver refuge dans une pharmacie. Autre mesure du gouvernement: Marlène Schiappa a annoncé une subvention supplémentaire d’un million d’euros aux associations d’aide aux victimes, soulignant qu’elles avaient mis en place des «points d’écoute» devant les centres commerciaux. Sans plus de précisions.
Pour ce qui est de la répression, le fonctionnement de la chaîne judiciaire pose évidemment problème. Le Conseil national des barreaux a mis en place «une plateforme nationale assurant une permanence d’avocats spécifiquement dédiée à l’assistance des victimes intrafamiliales» au 01.76.40.17.71. Le but est de permettre aux avocats d’intervenir au plus vite pour faire bénéficier les victimes d’une ordonnance de protection d’un magistrat. La fédération nationale d’accompagnement des auteurs de violence conjugale a aussi ouvert un numéro destiné aux mis en cause, auteurs de violences intrafamiliales (08.01.90.19.11).
«La prévention et le traitement des violences intrafamiliales demeurent plus que jamais une priorité nationale», déclare dans un document interne du ministère de l’Intérieur auquel nous avons eu accès le Directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux. Même son de cloche du côté du ministère de la Justice:
«L’éviction du conjoint violent doit être la règle. La lutte contre les violences faites aux femmes demeure une priorité de politique pénale clairement affirmée par le ministère de la Justice.»
Aussi, les auteurs de violences conjugales ont-ils été exclus du processus de libération anticipée piloté par Nicole Belloubet, Garde des Sceaux. Une fermeté louable, mais pourtant la seule qui semble appliquée à lettre, alors que 8.000 autres détenus, dont 130 djihadistes ont pu profiter du laxisme de la ministre.