Dans un article publié le 8 janvier, La Lettre du continent a révélé que la France est désormais propriétaire des droits fonciers du camp occupé par les Forces françaises de Côte d'Ivoire (FFCI) en plein cœur d’Abidjan, dans la commune de Port-Bouët.
L’acquisition de ces droits fonciers aurait été entérinée, lors de la visite d’État en décembre en Côte d’Ivoire du Président Emmanuel Macron, par la signature d’un accord additionnel visant à clarifier le statut juridique des installations militaires françaises à Abidjan.
Extrait de PolitRussia, alors que M. Ouattara vient de céder cadeau à la 🇫🇷 les droits fonciers des terres sur lesquelles est implanté du 43e Bima à Abidjan & que 5 présidents africains sont convoqués à Pau pour faire allégeance à Macron. Voir en entier 👉🏽 https://t.co/EhBN6NCLys pic.twitter.com/E2nbxFgD06
— Nathalie Yamb (@Nath_Yamb) 13 janvier 2020
Depuis les accords de défense ratifiés entre la France et la Côte d’Ivoire dans les années 1960 et révisés en 2012, le site du camp de Port-Bouët, d’environ 250 hectares et situé à proximité de l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, est affecté au profit des forces armées françaises.
Il en est de même d’autres parcelles, notamment l’installation abritant le détachement d’intervention lagunaire, également localisé à Port-Bouët, et du champ de tir de 13 hectares de Lomo-Nord (200 km au nord d’Abidjan).
La révélation de La Lettre du continent a fait l’effet d’une bombe dont l’onde de choc s’est rapidement propagée sur les réseaux sociaux, suscitant indignation et débats passionnés. Devant l’ardeur grandissante des débats, le ministre ivoirien de la Construction, du logement et de l’urbanisme Bruno Koné a décidé de monter au créneau.
3/3 BREF, à ce jour, il n’y a eu NI VENTE, NI ‘’CESSION GRACIEUSE’’ sur cette parcelle, à AUCUNE ENTITÉ PUBLIQUE OU PRIVÉE. Est-ce suffisant ? ou vous continuez à couper les cheveux en quatre ? Cela ne fera pas de cette information FAUSSE, une vérité !
— Bruno Nabagné Koné (@Bruno_N_Kone) 14 janvier 2020
Dans un tweet du 14 janvier, il s'est voulu formel:
«Il n’y a eu ni vente, ni cession gracieuse sur cette parcelle [le site du camp de Port-Bouët, ndlr] à aucune entité publique ou privée.»
Selon Bruno Koné, «par convention, l’État peut affecter une parcelle dont il est et reste cependant propriétaire». Et c’est justement le cas du site de la base militaire française.
Mais le ministre peine à convaincre. D'autant plus que l'ambassadeur de France, Gilles Huberson, dans une lettre adressée à la Banque mondiale, vient intensifier la confusion et semble contredire les autorités ivoiriennes.
M.le ministre,la politique est dur lorsque les politiciens se jouent des mots clairs pour obscurcir l'inavouable. La lettre (dont vous n'êtes pas ampliataire)de l'ambassadeur de France est claire et vous contredit.L'Etat de CI à accordé les titres fonciers aux forces françaises." https://t.co/RaCDjqJgmx pic.twitter.com/Sf236foobE
— Mamadou Koulibaly (@M_Koulibaly) 15 janvier 2020
En effet, dans ce courrier rendu public par le professeur Mamadou Koulibaly, candidat à la présidentielle d’octobre 2020 –engagé dans un débat direct, sur Twitter, avec Bruno Koné–, Gilles Huberson fait état d’un arrangement obtenu entre la France et la Banque mondiale au sujet du projet d'échangeur routier, cofinancé par l’institution et l’agence japonaise de coopération internationale, qui doit être construit en face de la base militaire française.
Ce projet routier, a souligné l’ambassadeur français, «remettait partiellement en cause les titres fonciers accordés par l’État de Côte d’Ivoire aux Forces françaises en Côte d’Ivoire».
Selon la définition communément admise par les autorités ivoiriennes, le titre foncier est le document qui garantit, sécurise et protège le droit du propriétaire. Son caractère définitif, irrévocable et inattaquable, fait de son détenteur l'unique et véritable propriétaire du terrain concerné.
Pour l’analyste politique Innocent Gnelbin interrogé par Sputnik, «nonobstant les voix discordantes sur la question, il est clair que, pour la France, avoir un titre de propriété sur la parcelle qu’elle occupe (à Port-Bouët) lui permet de garantir ce territoire sur le long terme et donc d’assurer légalement ses intérêts» en Côte d’Ivoire.
«Les enjeux de notre époque étant de plus en plus complexes, la France pourrait vouloir garantir sa présence militaire en Côte d'Ivoire et cela doit être aussi compris comme une nécessité pour elle de sécuriser ces intérêts en Afrique de l'Ouest à partir de cette base», a déclaré au micro de Sputnik l’analyste.
Une infrastructure stratégique dans la lutte contre le terrorisme au Sahel
La base militaire française de Port-Bouët abrite près d’un millier de soldats. Créées le 1er janvier 2015, les FFCI, comme l’indique l’état-major des armées français, assurent la protection des ressortissants français et entretiennent la coopération militaire régionale, notamment bilatérale avec les forces armées ivoiriennes.
Elles représentent la deuxième base opérationnelle avancée en Afrique, après celle de Djibouti. Elles constituent un hub logistique pour l’opération Barkhane qui lutte contre les groupes djihadistes dans le Sahel.
Avec la nouvelle stratégie de lutte antidjihadiste que la France et ses partenaires du G5 comptent amorcer au Sahel après le sommet de Pau du 13 janvier dernier, il ne fait aucun doute que la base militaire de Port-Bouët jouera un rôle de premier plan.