La Cour d’appel de Tunis a refusé, mardi 1er octobre, pour la quatrième fois, la demande de libération de Nabil Karoui, candidat qualifié pour le second tour de la présidentielle, prévu pour le dimanche 13 octobre, a indiqué son collectif dans une déclaration à la presse. Ce nouveau refus met en danger la validité entière de cette élection.
«Le recours [introduit par la défense, ndlr] a été accepté sur la forme mais refusé sur le fond», a affirmé Me Kamel ben Massoud, précisant que «les raisons du rejet de la demande de libération n’ont pas été indiquées aujourd’hui, nous lirons plus tard la décision de la chambre de mise en accusation et nous en saurons plus».
Un imbroglio juridique inédit
Le maintien de Nabil Karoui en détention jette un sérieux doute sur la présidentielle tunisienne, et ce quel que soit l’issue de son second tour.
En effet, dans le cas où M.Karoui perdrait l’élection, il pourrait toujours déposer un recours contre les résultats auprès de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), en raison d’un non-respect du principe de l’égalité des chances, ce qui pourrait conduire l’ISIE à invalider le scrutin.
«Je ne vous cache pas que ces jours-ci nous sommes face à un problème au sein de l’instance parce qu’il se peut qu’il y ait un recours contre la validité du scrutin si la situation actuelle se poursuit jusqu’au jour du vote», a affirmé Nabil Baffoun, président de l’ISIE, dans un entretien accordé à France 24. Pour lui, l’éventualité de voir le tribunal administratif prendre la décision d’annuler l’élection, en cas de recours de Nabil Karoui, est tout à fait envisageable.
Ce problème «soulève de multiples interrogations sur la qualité de notre justice, ainsi que sur l’issue des élections et du processus démocratique en général dans notre pays», a déclaré Jinan Limam, enseignante à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, dans un commentaire accordé au site d’information L’Économiste maghrébin.
Expliquant la complexité de la situation sur le plan juridique, Mme Limam s’est demandée «à partir de quand [l’immunité présidentielle] est-elle opérationnelle, avant ou après qu’il prête serment?» «Cette immunité peut-elle être rétroactive? Peut-on envisager la suspension de la procédure jusqu’à la fin de sa présidence?», a-t-elle ajouté, soutenant que ces questions «restent sans réponses en raison d’un vide juridique qui doit être comblé par le nouveau Parlement».
«C’est d’ailleurs l’un des enjeux des prochaines élections législatives», a-t-elle conclu.
Que reproche la justice à Nabil Karoui?
Lors de l’arrestation et de l’incarcération de Nabil Karoui le 23 août, le parquet de la Cour d’appel de Tunis avait indiqué que «les mandats de dépôt ont été émis dans le cadre de l’application de l’article 117 du code des procédures pénales».
L’arrestation du présidentiable intervenait dans le cadre d’une affaire «liée à des crimes de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale, d’escroquerie, où sont accusés Ghazi et Nabil Karoui», a insisté le parquet.
Au demeurant, le parti Au cœur de la Tunisie, présidé par M.Karoui, a accusé le chef du gouvernement Youssef Chahed d’être derrière cette arrestation jugée comme «politique», ce qui a été démenti par Tahya Tounes (Vive la Tunisie, en arabe), la formation politique de ce dernier.