Intersectionnelles contre universalistes: les féministes québécoises se déchirent sur le voile

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Dans la Belle Province, les groupes féministes semblent de plus en plus en conflit, au point de former deux camps bien définis. La pomme de discorde: le multiculturalisme et la question transgenre… La présidente du groupe Pour les Droits des Femmes du Québec, Diane Guilbault, explique au micro de Sputnik ce nouveau clivage.

Guerre interne chez les féministes au Québec? Tout porte à le croire.

Le 9 septembre dernier, l’organisme Pour les droits des femmes du Québec (PDF) recevait une subvention de l’État québécois, ce qui a soulevé une certaine controverse dans la Belle Province… Fondé en 2013, cet organisme est perçu comme le principal rival de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), premier regroupement historique de féministes québécoises, qui existe quant à lui depuis 1966. D’un montant de 120.000 dollars canadiens (83.000 euros), la subvention gouvernementale vise à promouvoir un point de vue différent sur les droits des femmes.

«Il est de bonne guerre que le gouvernement choisisse de financer des organismes tels que PDF Québec, qui vont avoir des agendas similaires plutôt conservateurs», a déclaré la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Gabrielle Bouchard, en réaction à l’annonce du gouvernement Legault.

Un commentaire révélateur de la bataille idéologique que se livrent PDF et la FFQ. Depuis plusieurs années déjà, les deux groupes se chamaillent à propos du multiculturalisme et des signes religieux. En entrevue avec Sputnik, la présidente de PDF Québec, Diane Guilbault, a expliqué que son groupe avait été créé à la suite d’un véritable schisme à l’intérieur de la FFQ:

«Plusieurs de nos membres fondateurs étaient elles-mêmes membres de la FFQ. Dans notre groupe, il y a même des femmes qui ont été présidentes de la FFQ! Nous avons l’impression que nous poursuivons le travail du féminisme universaliste, qui s’adresse à toutes les femmes. Quand nos membres se sont aperçues que les prescriptions religieuses devenaient plus importantes à la FFQ que les droits mêmes des femmes, des tensions sont apparues», a expliqué Mme Guilbault au micro de Sputnik.

Contrairement à la FFQ, PDF s’est toujours déclaré en faveur d’une éducation et d’une fonction publique entièrement laïques. En juin dernier, le gouvernement Legault adoptait la Loi 21 sur la laïcité de l’État, qui interdit aux juges, policiers, gardiens de prison et enseignants de porter des signes religieux durant leurs heures de travail. Si la loi est saluée par PDF, elle est toujours décriée par la FFQ, qui entend militer activement contre son application. Le débat sur la laïcité remonte toutefois bien avant juin dernier, à plus de 10 ans déjà.

Mme Guilbault reconnaît que ce désaccord sur la question de la laïcité et du multiculturalisme nuit gravement à l’unité des féministes québécoises:

«Le féminisme universaliste est celui qui a fait ses preuves partout dans le monde, ce qui n’est pas du tout le cas de l’approche intersectionnelle, qui fait passer les identités particulières avant les droits des femmes. […] C’est vrai que les femmes handicapées et immigrantes ont des difficultés supplémentaires à affronter: nous l’avons toujours reconnu. En revanche, nous croyons, par exemple, que le port du voile islamique reflète une réalité sexiste et patriarcale. C’est une raison majeure expliquant notre départ de la FFQ», a-t-elle poursuivi.

Mme Guilbault estime également que la FFQ est désormais influencée par le féminisme américain, ce qui expliquerait son opposition à la Loi 21. Selon elle, le féminisme américain serait «de plus en plus communautariste et de moins en moins universaliste».

«C’est une vision du féminisme à l’américaine et néo-libérale que des gens ont peut-être adoptée inconsciemment, car ici nous baignons culturellement dans un monde anglo-saxon. […] Nous importons des analyses états-uniennes, qui n’ont aucun rapport avec la réalité du Québec. On fait du copier-coller. D’ailleurs, la société états-unienne n’est certainement pas un modèle de vivre-ensemble», a tranché Mme Guilbault.  

La question épineuse des signes religieux n’explique toutefois pas tout. Celle des identités de genre et transgenre provoque aussi des débats enflammés.

La présidente de la FFQ, Gabrielle Bouchard, est d’ailleurs elle-même une personne transgenre, ce qu’elle a souvent fait valoir dans la presse et sur les réseaux sociaux.

«Nous respectons entièrement les personnes en tant que telles. Cependant, nous ne croyons pas qu’une personne puisse changer de sexe, c’est biologiquement impossible. Cette vision est basée sur des stéréotypes d’habillement et de comportement féminins et masculins. La lutte contre les stéréotypes est une bataille historique et internationale du féminisme, mais alors voilà que nous revenons en arrière. Être une femme n’est pas un choix, mais un fait», a conclu la présidente de PDF à notre micro.

Féministes intersectionnelles contre universalistes, tradition anglo-saxonne contre tradition française, le fossé entre féministes québécoises pourra-t-il être comblé?

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