Le protoxyde d’azote connaît un tel regain de consommation ces derniers mois que certains maires ont multiplié des arrêtés rendant leur vente impossible aux mineurs, comme à Nîmes, Aulnay-Sous-Bois ou Bagnolet. La substance, appelée aussi «gaz hilarant», est librement accessible dans le commerce. Certains, notamment les adolescents, la détourne pour son effet euphorisant. Elle est pourtant nocive pour la santé.
D’ailleurs, l’utilisation de l’appellation «gaz hilarant» irrite beaucoup, au vu de la dangerosité du protoxyde d’azote: certains y voient une forme d’irresponsabilité, comme le député Christophe Euzet, dans une lettre à la ministre de la Santé.
🖋Question écrite à madame la ministre de la santé @agnesbuzyn : quelles sont les solutions envisagées pour remédier à l'assimilation malencontreuse, inopportune et dangereuse du protoxyde d’azote à un « gaz hilarant » ?⚠️🆘#SantéPublique #GazHilarant #Drogue #RienDeDrôle😞⤵️ pic.twitter.com/rQJOAFTF2r
— Christophe Euzet (@ChristopheEuzet) September 12, 2019
Les bombonnes de ce gaz, utilisées principalement dans le corps médical pour son effet anesthésiant ou en cuisine dans les siphons à chantilly, sont apparues sur la voie publique, mais aussi sur Internet. Les vidéos de jeunes sous «proto» se sont multipliées: on les voit aspirant le gaz des cartouches via des ballons gonflables, les rendant hystériques et ne pouvant s’arrêter de rire. Des jeunes qui ne se rendent pas compte des risques qu’ils encourent, car plus l’utilisation de ce gaz est régulière, plus les risques d’effets néfastes respiratoires, cardiaques, digestifs ou neurologiques augmentent.
Le détournement du protoxyde d’azote n’est pas un cas isolé. Depuis une dizaine d’années, nombreux sont les produits en vente libre qui se voient détournés par les jeunes pour la «défonce» qu’ils procurent. Le poppers, un vasodilatateur utilisé dans le traitement des maladies cardiaques, est d’abord devenu populaire dans le milieu gay, puisqu’il facilite les relations sexuelles. Mais les effets du poppers, sensation de chaleur, tête compressée et sensation de planer, qui sont quasi-immédiats, ne durent que quelques minutes. Il en va de même pour des produits du quotidien comme l’eau écarlate ou le dissolvant, des produits toxiques dont l’inhalation peut provoquer de graves complications médicales, surtout pour un organisme d’adolescent. L’euphorie, les perturbations sensorielles ou visuelles sont les nouvelles sensations que les jeunes recherchent et trouvent dans ces produits. Ils se font alors une place dans les soirées des adolescents, qui y voient inconsciemment une porte ouverte vers l’expérimentation de drogues illégales.
Une boisson sans alcool, mais encore plus dangereuse
Autre exemple de ces détournements, le «purple drank», lean ou encore dirty sprite. Une boisson popularisée par les rappeurs américains dans les années 1990, faite à base de sirop pour la toux contenant de la codéine, du soda et parfois des antihistaminiques. Un mélange planant qui peut avoir des conséquences dramatiques.
Dj Screw, l’un des premiers à avoir revendiqué la consommation de ce cocktail, est mort d’une overdose à la codéine en novembre 2000. D’autres l’ont suivi: artistes, fans, jeunes ou moins jeunes, à tel point que les États-Unis connaissent une crise des opioïdes d’ampleur nationale.
«Il y a une vague terrible aux États-Unis dont ils parlent beaucoup. Il y a de nombreuses overdoses là-bas. Il y a beaucoup de décès liés aux mésusages de médicaments», regrettait Jean-Charles Dupuy, vice-président de SOS addictions, à Sputnik en septembre dernier.
Une pratique qui a touché le sol français. Depuis 2013, l’agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé a constaté une augmentation des cas d’abus ou de dépendance et a appelé à la plus grande vigilance de la part des professionnels de santé, sur l’usage détourné des antitussifs, sachant que certains sirops sont vendus sans ordonnance.
Sur certains forums, les jeunes s’échangent des tutoriels sur un meilleur dosage et un meilleur trip. Outre la consommation de «purple drank», c’est la codéine présente qui peut avoir un effet destructeur. En 2017, deux personnes sont décédées à cause de l’abus de ces médicaments.